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mercredi, 20 janvier 2021

Géopolitique du Brésil : entre Terre et Mer

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Géopolitique du Brésil : entre Terre et Mer

Par Raphael Machado, dirigeant de « Nôva Resistencia » (Brésil)

Ex: https://therevolutionaryconservative.com

Selon Carl Schmitt, l'essence de la politique est la distinction ami-ennemi. Nous trouvons également, chez Schmitt, une opposition fondamentale dans la géopolitique. En l'occurrence, l'opposition Terre-Mer, à laquelle Schmitt lui-même a consacré d'innombrables pages, mais dont la première formulation se perd dans le brouillard de l'histoire. Cicéron déjà, dans son De Re Publica, fustigeait les thalassocraties de Carthage et de Corinthe pour leur propension à la décadence, associée à une nature "aquatique" selon lui qui s'exprimait concrètement dans leurs stratégies respectives d'expansion coloniale, alors qu'il tenait en haute estime la vertu de la majorité des peuples enracinés dans la terre.

Il pourrait sembler qu'il s'agisse ici d'un sujet extrêmement métaphysique, voire d'un délire symbolique, mais la question de l'opposition terre-mer est si classique qu'elle devient universelle chez les penseurs géopolitiques, indépendamment de leurs orientations idéologiques. En fait, il a été possible de trouver une réciprocité entre les différentes formes d'expressions classiques du pouvoir (terrestre - aquatique) et une sorte de caractère ou de psyché des peuples.

En résumé, les civilisations de la Terre, généralement caractérisées par la présence d'une capitale et de provinces dans les terres voisines, seraient délimitées, en même temps, par un plus grand sens de la continuité, des frontières et des distinctions claires, par une plus grande propension à l'ascétisme et à la guerre ouverte. Les civilisations de la mer, pour la plupart, généralement organisées dans le cadre des relations entre métropole et colonies étrangères, seraient propices à l'indifférenciation, avec une relativisation des concepts et des frontières, avec une tendance psychologique à l'individualisme, à l'utilitarisme et au commerce.

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Ce dualisme évident pourrait avoir des résonances intéressantes et pourrait aussi exprimer avec clarté notre perception des inimitiés historiques telles celles de Rome et de Carthage, de Sparte et d’Athènes, de la Grande-Bretagne et de l'Allemagne ou des États-Unis et de la Russie. Cependant,  nous sommes également confrontés à des exemples historiques plus complexes, plus prompts à générer de la confusion, exemples que sont le Portugal et l'Espagne, qui devraient nous intéresser grandement en tant qu'Ibéro-Américains.

Après tout, les États ibériques ont effectivement construit de grands empires coloniaux à l'étranger, organisés selon la logique des relations entre les métropoles qui commandent et les colonies dont on extrait des biens matériels. Alors, ces puissances ibériques étaient-elles des empires thalassocratiques ? Le Portugal et l'Espagne sont-ils liés par la symbolique de la mer ? Le problème est que, d'un point de vue spirituel, psychologique ou sociologique, ce qui signifie que, dans le contexte de l'examen de l'âme d'un peuple, il semble évident que le Portugal et l'Espagne sont liés par la symbolique de la Terre, ils étaient des empires tellurocratiques. Comment résoudre cette contradiction qui implique les patries ibéro-américaines ?

Le professeur André Martin, dont les analyses sont très pertinentes, affirme que le Brésil a une nature "amphibie", c'est-à-dire qu'il est délimité par un mélange entre terre et mer, et que cela devrait déterminer sa géopolitique. Avec tout le respect que je lui dois, nous osons ne pas être d'accord avec cette vision du Brésil. Cela nous semble être une tentative d'échapper à la contradiction fondamentale au lieu d'essayer de la résoudre. En fait, le Brésil a des éléments liés à ces deux symbolismes, mais cela est vrai pour tous les autres peuples, surtout aujourd'hui.

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L'élite brésilienne, concentrée sur la côte, incarne les valeurs commerciales et cosmopolites de la mer. Alors que les masses brésiliennes, qui vivent à l'intérieur des terres, incarnent les valeurs conservatrices et enracinées de la Terre. Ce choc, dans lequel les intérêts conservateurs et collectifs d'une masse populaire font face aux intérêts libéraux et individualistes d'une élite cosmopolite, explique en grande partie les phénomènes et les événements politiques au Brésil.

Quelle est l'importance de tout cela ? Si, en dépit de leurs élites, la nature du Brésil est tellurocratique, alors sa géopolitique doit être orientée vers l'autarcie continentale, vers la rencontre civilisationnelle avec ses voisins, et non par la recherche de partenaires commerciaux à l'étranger.

Le Brésil, qui s'est éloigné de nos frères ibéro-américains et s'est rapproché de l'Atlantique, doit retrouver son chemin.

Source :

MACHADO, Raphaël. "Columna de Opinión Internacional (Brasil) del 15.07.2020". Diario La Verdad. Lima, Pérou.

Disponible à l'adresse suivante :

https://comitecentralameri.wixsite.com/ccla/post/la-geopolítica-brasileña-entre-tierra-y-mar

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vendredi, 08 janvier 2021

Le péronisme dans l'Argentine d'aujourd'hui

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Le péronisme dans l'Argentine d'aujourd'hui

Par Esteban Montenegro, Président de NOMOS (Argentine)

Traduit par Zero Schizo

Au-delà de la gauche et de la droite, le péronisme a été caractérisé par le fait d'élever les intérêts du mouvement ouvrier au rang de "cause nationale" devant tous les secteurs concentrés de l'économie ou, du moins, de les équilibrer les uns par rapport aux autres. Ce pourrait être sa définition idéologique. Mais elle serait trop abstraite, si l'on ne tenait pas compte de ses caractéristiques organisationnelles. La proximité de ses organisations avec le peuple et sa grande force de mobilisation en font une clé indispensable à la gouvernabilité du pays. Cette accumulation de pouvoir, ajoutée à une culture politique "décisionnelle", où "celui qui gagne mène et le reste se borne à suivre", a fait que les disputes internes du péronisme et les caractéristiques de son leadership, qui en résulte, décident du sort de la nation. Cela conduit parfois à des paradoxes insurmontables. Par exemple, le néolibéralisme en Argentine a été mis en œuvre avec un succès relatif par la décision d'un dirigeant "péroniste" : Carlos Menem. Et c'est ainsi que l'essence pratique du péronisme réellement existant (la relation personnelle Leader-Peuple à travers quelques organisations intermédiaires libres, mais qui répondent politiquement au principe de ‘’conduction’’) s'est rebellée contre les définitions idéologiques "minimales" qui lui ont donné son existence dans le passé.

Plus récemment, les dirigeants Nestor et Cristina Kirchner ont donné au péronisme une "ressemblance de famille" avec les gouvernements "populistes" de Lula et Chávez. Cela a engendré, en contrepoint, un péronisme plus ou moins opposé et modéré, plus proche de l'économie et de l'établissement médiatique, avec de bonnes relations avec les États-Unis. À l'intérieur, un "kirchnerisme dur" est né à travers de nouvelles organisations, de nature plus juvénile, articulant une synthèse complexe entre des secteurs sociaux-démocrates éclairés, peu ou pas ancrés dans la mouvance péroniste et imaginaire, et des secteurs péronistes "classiques" et "doctrinaires", d'extraction et d'intensité différentes.

Le succès électoral d'un parti libéral pro-marché comme le PRO de Mauricio Macri en 2015 et 2017 s'explique par les erreurs de Kirchner en matière de sécurité publique et de communication politique ; ensuite, par la difficulté du péronisme, dans toute son ampleurs et dans toutes ses facettes, à trouver une voie qui le conduirait à l'unité, non seulement entre ses factions mais, plus encore, entre sa "cause matérielle" pratique et sa "cause formelle" idéologique. Cette dernière engendre la première, car l'efficacité organisationnelle du péronisme n'ira pas loin sans représenter les intérêts de la majorité de ses bases.

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En décembre dernier, un nouveau gouvernement péroniste a gagné les élections en Argentine. La personnalité qui a obtenu le plus de voix, mais dont l’image est très négative à cause de sa gestion politique antérieure, est Cristina Kirchner. Elle a introduit sur la scène un péroniste "centriste" pour tenter de faire l'unité, un ex-Kirchneriste mais opposé à la politique du dernier gouvernement Kirchner, trop souvent remis en cause par l'établissement : Alberto Fernández. Qu'on le veuille ou non, on ne peut pas juger Fernandez pour son "éclectisme idéologique", car il est obligé de trouver des compromis entre les différentes factions de son gouvernement, manquant de bases propres et, sur le front extérieur, il devra renégocier le paiement de la dette. Enfin, le président ne sera pas jugé sur ses discours, mais sur ses décisions. Étant donné la crise économique héritée du passé, aggravée par le Covid-19, il devra devenir un leader innovateur, décidé à prendre des mesures drastiques qui conduiront à l'unité de tous les Argentins, tout en visant l'unité du péronisme. Cela ne peut être obtenu qu'en sacrifiant les profits extraordinaires de l'économie extractive et spéculative. Ce n'est peut-être pas ce qui convient le mieux à son style conciliant. Mais ni la classe moyenne ni les secteurs populaires n'ont encore suffisamment de marge de manœuvre pour s'adapter davantage à la situation précarisée. Et ajouter à la crise sanitaire, économique et sociale, une crise politique de la représentation dans le parti populaire majoritaire, serait ouvrir la boîte de Pandore au pire moment possible.

Source :

MONTENEGRO, Esteban. "Columna de Opinión Internacional (Argentina) del 04.06.2020". Diario La Verdad. Lima, Pérou.

Disponible à l'adresse suivante :

https://comitecentralameri.wixsite.com/ccla/post/el-peronismo-en-la-argentina-de-hoy

dimanche, 03 janvier 2021

L'insubordination fondatrice

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L'insubordination fondatrice

Carlos Javier Blanco Martin

Ex: https://decadenciadeeuropa.blogspot.com

L'insubordination fondatrice est un concept inventé par l'expert argentin en relations internationales, le professeur Marcelo Gullo, pour expliquer simultanément un processus historique et une possibilité future. Quel est ce processus ? Dans un bref résumé, et sous forme de projet, nous dirons

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1) Les États sont inégaux en termes de pouvoir. Bien que le droit international et les organismes mondiaux reconnaissent l'égalité souveraine formelle, le fait est qu'il y a des puissances dominantes et des États dominés au sein du conseil mondial.

2) Les puissances dominantes, au moins depuis l'essor du mode de production capitaliste, cherchent à établir et à maintenir leur domination non pas exclusivement par le recours à la force brute - militaire - mais par le biais de la domination économique. Mais même cela n'est pas stable ni sûr à long terme, ce pour quoi il est nécessaire de le compléter et de l'étendre : la domination idéologique.

3) Les puissances dominantes, et c'est le cas successivement et exemplairement de la Grande-Bretagne et des USA, dès qu'elles ont atteint un "seuil de pouvoir", elles se sont dotées d'instruments protectionnistes adéquats pour empêcher l'entrée sur le marché national de marchandises moins chères en provenance des colonies ou de pays étrangers. Ils ont légiféré et gouverné pour une industrie nationale autonome, close et solidifiée, une fois que les dimensions territoriales suffisantes et le degré d'unité politique du pays ont été garantis.

4) Le protectionnisme industriel était, à l'époque, une insubordination contre des pays auparavant mieux placés sur l'échiquier mondial : la Grande-Bretagne contre l'Espagne, la Hollande et la France, ainsi que les USA naissants, ceux des treize colonies, contre la Grande-Bretagne. Une fois déclarés en rébellion, les pays insubordonnés entament un processus "fondateur" : ils jettent les bases d'un développement industriel protégé, élevant le niveau de vie et le développement de la production, créant une masse critique suffisante (démographique, territoriale, productive) pour devenir, d'une part, souverains et, d'autre part, hégémoniques au niveau régional et peut-être mondial. À cette fin, le réalisme politique dicte la règle suivante : vous devez prêcher aux autres ce que vous ne voulez pas pour vous-même. C'est la véritable histoire du libéralisme et du néolibéralisme: les Britanniques et les Américains étaient, respectivement aux XVIe et XIXe siècles, des puissances qui prêchaient pour les autres une ouverture des marchés, un libéralisme doctrinaire, mais pratiquaient pour eux-mêmes le plus féroce des protectionnismes.

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Le professeur Gullo, partisan déclaré d’une revalorisation du monde hispanique, considère que la création d'un pôle de développement industriel dans la région du Rio de la Plata est tout à fait réalisable. L'unité d'action des Argentins et des Brésiliens pourrait accélérer un processus fédérateur des autres républiques du sud de l'Amérique latine qui pourraient, à leur tour, rayonner vers le nord. Loin des frontières des Yankees (loin des "gringos"), dotés de ressources naturelles en grande abondance, profitant du déclin du géant du Nord, et de leurs dissensions internes entre protectionnistes (trumpistes) et néolibéraux (démocrates, mondialistes, néoconservateurs à l'ancienne...), ainsi que de la rivalité des Yankees avec la Chine, le monde latino-américain - pense Gullo - a aujourd'hui une opportunité.

Il est évident qu'il faut se débarrasser de la domination idéologique. Les élites latino-américaines, comme les élites espagnoles ici, ont été trop facilement dupées par l'orthodoxie libérale et néo-libérale. Et on dit "embobiné" alors qu'on pourrait dire "acheté", ce qui est bien mieux.

Nous voulons maintenir la fiction d'une "démogresca" (pour reprendre l'expression de Juan Manuel de Prada) entre la gauche et la droite alors que la vraie lutte dans l'arène mondiale est celle entre le protectionnisme et le mondialisme. Une telle lutte se déroule au cœur même de l'empire américain, car il n'y a plus de correspondance ou de chevauchement exact entre "nation américaine" et "haute finance mondiale". Le peuple américain aligné sur Trump veut lui-même protéger son industrie nationale et ses emplois productifs contre les invisibles seigneurs de l'argent apatride. Nous vivons sous un capitalisme monétaire fictif, où la "dette" elle-même est un outil de gestion sur les dominés : les dettes qui couvrent d'autres dettes sont les armes pour maintenir les peuples et les nations sous la férule des banques. Les dettes initiales ne seront jamais remboursées, et ce qui est en jeu maintenant, c'est l'élimination des concurrents et le fractionnement des nations sous le joug de l'endettement progressif.

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L'Espagne le sait très bien. Déjà coupée de l'autre Espagne américaine, beaucoup plus grande, déjà mutilée par la perte de ses provinces africaines et de ses îles asiatiques, elle continue de se rétrécir et de se fracturer. L'unité précaire de l'État que nous appelons aujourd'hui l'Espagne est en danger, et l'instabilité institutionnelle et territoriale du pays est due à la domination économique, culturelle et idéologique que nous subissons depuis 1975.

L'insubordination fondatrice rn Espagne ne peut se produire qu'en inversant le chemin perdu en 1975 :

  1. Retrouver la vocation maritime. Construire des navires, revaloriser les chantiers navals, se doter d'une marine moderne pour patrouiller les côtes et défendre les côtes et les frontières maritimes. La vocation marine doit être atlantique : renforcer les ponts d'eau avec l'autre Espagne, l'américaine et avec la lusophonie. En Méditerranée et en Afrique, s'armer et se faire respecter avant l'invasion afro-mahométane programmée par les mafias mondialistes.
  2. Retrouver une phase d'autarcie et de protectionnisme. Reconstruire les centres industriels qui existaient vers 1975 et en créer de nouveaux, mais en dehors des privilèges fiscaux basques et catalans, afin d'étouffer à jamais la suprématie de ces périphéries, en en favorisant de nouvelles. La protection de l'agriculture espagnole, ainsi que la création d'une agro-industrie forte, et l'engagement en faveur des produits manufacturés technologiques qui fournissent à l'Espagne une classe technique importante et bien qualifiée et des biens à haute valeur ajoutée constituent un défi évident pour la politique de l'Union européenne. Nous ne pouvons le faire que de manière insubordonnée, en nous opposant aux "partenaires".

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Mais, tant l'Amérique du Sud que la future Espagne, comment pourraient-elles mener à bien cette insubordination et tenir tête à nos créanciers et dominateurs ? Il est évident que cela n'est possible que par l'action de l'État. Ce doit être l'État, dirigé par un gouvernement non inféodé aux élites mondialistes, non acheté (soudoyé) par les créanciers, par les seigneurs de l'argent. Et c'est un point faible, en ce qui me concerne, dans la théorie du professeur Gullo. Les modes "populistes" d'accès au gouvernement d'un État insoumis à vocation protectionniste et égocentrique (souveraineté identitaire) sont très divers dans chaque région. Dans notre monde hispanophone, elles vont du chavisme et du péronisme, par exemple, à un "voxisme" péninsulaire douteux, sachant comme nous que le parti espagnol VOX ne manque pas de néolibéraux et de néoconservateurs, adeptes de la colonisation yankee, politiciens ploutocrates hautement incompatibles avec un projet fondateur d'insubordination. De plus, les mécanismes "démocratiques" formels d'accès au pouvoir de ces options protectionnistes et souverainistes sont viciés par la propre partitocratie et ploutocratie. Ceux qui gouvernent à partir de positions "négociées" qui se disent de gauche ou de droite ont déjà réussi à étiqueter comme "fasciste" ou "populiste" toute option qui poserait un défi au système de domination mondiale, au néolibéralisme et à l'UE (dans le cas de l'Espagne) et bloque ainsi idéologiquement la croissance d’une telle mouvance libératrice.

La construction intellectuelle de Gullo n'est pas utopique, puisqu'elle est bien fondée dans son aspect historique, mais en tant que pratique pour agir politiquement dès aujourd'hui, elle se présente comme un projet où presque tout reste à écrire : qui peut aujourd'hui mobiliser un peuple vers la souveraineté (vers l'insubordination fondatrice) alors que ce même peuple est abruti en grande partie par l'industrie du divertissement nord-américaine, par la dépendance aux écrans électroniques, par la dégradation de l'école et par l'endoctrinement du genre ?

Peut-être faudrait-il commencer par créer quelque chose comme cela, un Ordre de Chevalerie, ni nostalgique ni quixotique, mais suffisamment élitiste et sage, qui forme des centres de contre-pouvoir tant dans la sphère économique que dans la sphère idéologique et culturelle. De très petits centres mais qui rayonnent leur lumière, petit à petit.

Source : La Tribune du Pays Basque

lundi, 28 décembre 2020

Les intellectuels populistes en Amérique latine. Quelques perspectives

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Les intellectuels populistes en Amérique latine. Quelques perspectives

Par Cristián Barros

Ex : https://www.geopolitica.ru

Pour une grande partie de l'opinion académique et libérale, le populisme est un terme aussi vague que péjoratif. Le populisme est grégaire, moraliste, clientéliste, charismatique, cathartique et irrationnel, et il poursuit un programme économique de redistribution à court terme, purement conjoncturel. En tant que mouvement, il est nostalgique de la petite propriété et abhorre à la fois la centralisation bureaucratique et la division du travail. Sa base démographique tend à être constituée de groupes prémodernes tels que la paysannerie et les artisans - ou encore le Lumpenproletariat. Très souvent, le populisme est considéré comme le terreau de courants politiques autoritaires. Ainsi énoncé, le stigmate peut facilement devenir un anathème : le populisme représente finalement l'avatar inconscient du fascisme.

Ce n’est pas étonnant car le populisme constitue une étiquette hétérogène voire hétéroclite, parce qu’elle désigne des phénomènes très différents, et dont la fonction taxonomique est de prolonger un cordon sanitaire autour d'une entité suspecte et rebelle. Cependant, la construction rhétorique du populisme par l'orthodoxie académique trahit les craintes mêmes des citadins libéraux et des universitaires du courant dominant, qui regardent avec méfiance l'émergence de la politique sans médiation, de l'action directe et de la démocratie plébiscitaire. En conséquence, le populisme et les intellectuels ont toujours semblé en désaccord, puisque le populisme proclame la futilité - voire la perniciosité - d'une classe cléricale.

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Néanmoins, le populisme est en soi une tradition intellectuelle respectable, dont les partisans ont engagé dès le début un dialogue controversé avec le rationalisme politique dans ses versions libérales et marxistes - et ont résolument influencé le second ! Certes, les Narodniki russes de la fin du XIXe siècle ont été les pionniers du populisme et du socialisme agraire, et les premiers à élaborer une critique solide des téléologies libérales et marxistes, défiant l'idée de progrès dans ses formes tant linéaires que dialectiques.

220px-Voroncov,_Vasilij_Pavlovich.jpgLe populisme russe a scandalisé la rationalité bourgeoise car il visait à suspendre les travaux du capital et à rétrograder l'économie vers l'agriculture et le pastoralisme communaux. En ce sens, le populisme était non-téléologique et non-universaliste, soulignant le caractère exceptionnel du développement périphérique russe. Néanmoins, le rejet de la modernité capitaliste par les populistes était loin d'être une utopie romantique négative. Vassily Vorontsov (photo), un économiste populiste, considérait la Russie, une nation modernisatrice tardive, incapable de rattraper les pays capitalistes matures, compte tenu de l'accès restreint de la Russie aux marchés et technologies internationaux. En effet, le populisme avait une vision plus vive, plus sophistiquée et moins mécanique des « relations cœur-périphérie » que le marxisme vulgaire. Il est intéressant de noter que les auteurs narodniki ont exploré les contextes de dépendance du capitalisme mondial, et ont ainsi anticipé la théorie du développement inégal et combiné -notion attribuée à tort à Trotsky.

220px-Ткачёв_Пётр_Никитич.jpgIl est vrai que le marxisme canonique n'avait même pas de théorie de l'impérialisme, que Lénine a improvisée après avoir bricolé avec les thèses sur l'impérialisme formulées par Hobson, sans les connotations antisémites. Marx lui-même a atténué sa vision naïvement progressiste et whiggish du capitalisme grâce aux études de Kovalevsky sur l'obschina et la question agraire (1879). Le populiste Tkachev (photo) a également influencé Lénine sur les questions tactiques. De plus, Podolinsky a fait progresser les calculs énergétiques et écologiques, afin d'affiner l'analyse métabolique du capitalisme. Après l'Octobre rouge, le sociologue agrarien Tchaïanov a conçu un modèle rigoureux d'économie domestique paysanne. Pendant ce temps, Kondratieff - membre du Parti social révolutionnaire, une version du populisme parlementaire - a tracé les cycles à long terme de l'expansion technologique et financière depuis les années 1750, sans nul doute une oeuvre géniale.

II

Vers les années 1900, l'Amérique latine ressemblait à la Russie sous plusieurs aspects. Les deux régions languissaient dans un retard relatif, l'inertie étant par intermittence dynamisée par les aubaines que pouvaient constituer les exportations ponctuelles de matières premières. Bien que l'autocratie éclairée soit une caractéristique particulière de la Russie (et aussi du Brésil jusqu'en 1889), le reste de l'Amérique latine abondait en républiques peu représentatives, de style Potemkine, dominées par des cliques mercantiles. Sur le plan démographique, les paysans et les anciens serfs peuplaient les vastes espaces des deux blocs continentaux, tandis que l'analphabétisme et l'urbanisation chaotique ont donné naissance à une intelligentsia déracinée et inorganique.

Personnalités_des_arts_et_des_lettres_-_Alexandre_Herzen.jpgLa bohème russe et les rastaquouères sud-américains se sont retrouvés au carrefour que fut Paris à la Belle Époque, ressentant leur propre étrangeté aux portes de la culture métropolitaine. D'où un sentiment commun d'aliénation. D'où aussi la ruée vers la refonte et la mise à jour de leurs propres sociétés. Mais était-ce possible ? Était-ce même souhaitable ? Le zèle des Russes et des Latino-Américains pour l'aggiornamento s'est très vite éteint et s'est transformé en frustration. Le progrès matériel semblait être un horizon toujours plus lointain et, s'il était enfin réalisable, ses sombres conséquences décourageaient l'émulation. Telle était, par exemple, l'attitude de Herzen (photo) après de longs séjours à l'Ouest - Herzen lui-même un libéral repenti qui devint le doyen et le mentor du narodnischestvo. Les provinciaux hésitaient à adhérer pleinement au projet de modernité universelle et à sa fugue vers l'avenir.

Parallèlement, la réponse latino-américaine à l'Angst (l’angoisse) moderne fut l'Arielismo, la poétisation du retard économique en tant que forteresse contre l'industrialisme et le pragmatisme anglo-saxons. Ariel était l'esprit de légèreté qui s'opposait au génie terrestre Caliban, les personnages antagonistes de Shakespeare dans le cadre épique de La Tempête. Ariel incarnait la plupart des vertus prétendument latines de l'honneur et de la religion, tandis que Caliban était un daimon tellurique dont le déchaînement précipiterait le monde dans le matérialisme de base. Il est clair que ce discours n'était qu'une consolation esthétique, bien qu'il révèle un certain complexe d'infériorité. Jusqu'à présent, l'arielismo était un thème agréable et inoffensif pour les conversations d'après-dîner sous les régimes libéraux oligarchiques. Ce n'est que dans les années 1910, en particulier avec le déclenchement de la révolution mexicaine, que l'opinion publique a connu un changement radical. Les masses rurales ont commencé à se révolter.

III

Ironiquement, celui qui est souvent reconnu comme le premier marxiste d'Amérique latine est en réalité son premier populiste théorique. L'écrivain et activiste Juan Carlos Mariátegui est l'auteur des Sept thèses interprétatives sur la réalité péruvienne (1928), essai qui revendique la prééminence des contextes locaux et nationaux sur la pensée sociale eurocentrique appliquée passivement. Il a critiqué le positivisme formulé de la Seconde Internationale, ainsi que le scolastique soviétique naissante. Il a plaidé pour une interprétation contextuelle, organique et in situ des réalités sociales, en évitant le doctrinarisme abstrait.

imagesmariat.jpgEn même temps, il assimile les thèmes volontaristes précédemment posés par le syndicaliste révolutionnaire Georges Sorel, notamment la grève générale, d'où découle un nouvel élan mythique pour les luttes populaires. Pendant son exil en Italie dans les années 20, Mariátegui a été témoin du double processus, que fut la montée du communisme et du fascisme, héritier de la décomposition de la social-démocratie révisionniste. Ce phénomène qui l'a intrigué. À ce titre, il a adopté un point de vue indigéniste concernant la population autochtone du Pérou, une approche qui rappelle le vieux populisme. Bien qu'il soit un socialiste engagé, Mariátegui a subtilement nuancé le protagonisme du prolétariat moderne. Rétrospectivement, le volontarisme et l'indigénisme - sans parler de l'analyse de la dépendance coloniale - peuvent rapprocher Mariátegui de la matrice populiste plutôt que du marxisme officiel.

portada.jpgEn fait, l'indigénisme reste un élément fort du populisme latino-américain, en particulier au Mexique et dans les pays andins. Sa principale éclosion s'est produite dans le sillage de la révolution mexicaine, qui s'est cristallisée dans une législation corporatiste protégeant les propriétés foncières collectives indiennes (ejidos) et donc l'agriculture de subsistance. Quoi qu'il en soit, l'institutionnalisation complète de la révolution mexicaine n'a eu lieu que sous le gouvernement de Lázaro Cárdenas (1934-1940), connu pour sa nationalisation du pétrole et l'approfondissement de la réforme agraire. La figure clé de toute cette période est José Vasconcelos, éducateur, polymathe éclectique et apologiste de la synthèse culturelle et raciale du peuple mexicain.

L'essai de Vasconcelos intitulé La race cosmique (1925) présente un rare mélange de darwinisme social optimiste et de messianisme laïc. Pour le dire avec humour, Vasconcelos est une sorte de Spengler à l'envers, puisque l'auteur mexicain exalte le métissage et postule un avenir extatique en perspective, où toutes les différences humaines pourraient trouver une réconciliation finale. De manière inattendue, sa réputation d'humaniste a subi un sérieux revers après avoir soutenu les puissances de l'Axe. Il admire les expériences fascistes pour leur élan mobilisateur lors des turbulentes vicissitudes, une situation qui ressemble alors à un scénario mexicain. Bien qu'antiraciste accompli, Vasconcelos professait toujours un patriotisme métaphysique pittoresque - d'où la tension entre son universalisme et son nativisme. Tout au long de sa carrière, Vasconcelos a été un détracteur acharné des puissances atlantiques. 

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Vivant sur les rives du Pacifique, Víctor Raúl Haya de la Torre a été une figure importante au Pérou et au Mexique, où il a trouvé refuge après avoir été expulsé de son propre pays pour des raisons politiques. Né au Pérou en 1895, Haya de la Torre a fondé peut-être le seul parti national d'Amérique latine avec de véritables projections continentales. Il est à l'origine, en 1924, de l'Alliance populaire révolutionnaire américaine (APRA), un mouvement formellement social-démocrate avec de forts tropismes populistes, qui a fini par dégénérer en démagogie, en corruption parlementaire et en clientélisme rampant. Malgré cela, les débuts de l'APRA étaient prometteurs. L'APRA a inspiré la formation du Parti socialiste du Chili en 1933, qui a adhéré à un programme anti-impérialiste et anti-oligarchique, n'accordant qu'un intérêt de pure forme aux orthodoxies figées des marxistes. À cette époque, des purges internes ont eu lieu parce que les rivalités entre staliniens et trotskystes entravaient l'action politique des partis communistes locaux, laissant un vide bientôt comblé par ce nouveau socialisme populiste.

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IV

Selon la sagesse populaire, Lázaro Cárdenas au Mexique, Gétulio Vargas au Brésil et José Domingo Perón en Argentine ont incarné les aventures du populisme à travers le continent. Le péronisme est probablement le cas le plus étudié des trois, étant aussi le plus dramatique et le plus important dans la modélisation du système politique argentin jusqu'à présent. Caméléonesque et mercuriel, le péronisme a recueilli en son sein un éventail disparate de tendances : Intégrisme maurrassien, syndicalisme, fascisme, coopérativisme et même trotskysme. Bien que la position pro-travailliste soit apparue très tôt à l'époque de Perón, la ferveur anti-impérialiste s'est réellement enflammée après la révolution cubaine (1959), épisode qui a déclenché l'émergence de guérillas urbaines pendant l'exil de Perón dans l'Espagne franquiste. À l'origine, l'archétype évident du péronisme était le fascisme italien, dont le général argentin a copié à la fois la politique et le style. Logiquement, la législation sociale a suscité le soutien véhément de la classe ouvrière, en particulier des travailleurs de l'arrière-pays métis, les cabecitas negras – les "petites têtes noires", une comparaison ornithologique plutôt que raciste.

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Curieusement, un groupe d'anciens intellectuels sociaux-libéraux désenchantés a préparé la voie au péronisme en tant qu'idéologie. Ils ont formé un conclave d'historiens révisionnistes, qui ont jugé de façon critique les truismes libéraux sur le passé républicain de l'Argentine, lui-même marqué par la dépendance coloniale envers la Grande-Bretagne - ainsi, l'avènement de la modernité pour l'Argentine n'a pas été une libération politique mais simplement un asservissement impérial. Le nom du groupe, FORJA (forge, creuset), était censé transmettre un sentiment de rectification virile par l'effort et l'endurance, et proposait une renaissance industrielle. FORJA a officiellement duré une décennie entière (1935-1945), bien que ses échos prosélytes résonnent encore aujourd'hui. Ses membres les plus prolifiques furent Arturo Jauretche et Raúl Scalabrini Ortiz, propagandistes zélés d'un évangile nationaliste de gauche.

Gaffeurpatenté d'origine basque et rustique, Jauretche dénonce le système de la Banque centrale et l'entrée de l'Argentine au FMI (Plan Prebisch, 1956) comme des mécanismes de dépendance mis en place par l'impérialisme atlantique. Il s'aligne avec conviction sur Perón, dont la première administration (1946-1955) a réussi à isoler l'Argentine des exigences de la finance internationale. De même, Jauretche a été une figure importante du révisionnisme historique latino-américain, contrevenant ainsi aux mythes conventionnels du dogme libéral depuis l'indépendance (1810). Il a anticipé la plupart des résultats de la théorie des dépendances, bien qu'il les ait exprimés avec un flair journalistique tout personnel et intellectuellement instable. Dans l'ensemble, il était l'économiste du pauvre, occupant le poste de directeur de banque au début du péronisme. Jauretche lui-même a eu un certain impact sur le jeune Ernesto Laclau, le père de ce dernier étant en bons termes avec Jauretche - On Populist Reason (2005), livre de Laclau a récemment renouvelé les études sur notre sujet, celui de la redoute post-marxiste.

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Rétrospectivement, on peut affirmer que 1910, 1929 et 1959 ont marqué les itinéraires axiaux du populisme pour l'Amérique latine. La révolution mexicaine a fourni les thèmes agraires et indigénistes, tandis que le crash de Wall Street a bouleversé les économies latino-américaines orientées vers l'exportation, provoquant des réactions protectionnistes et développementales d'un hémisphère en ruines. Trois décennies plus tard, la Révolution cubaine a électrisé les nouvelles générations et a poussé le nationalisme plébéien dans une position ouvertement anti-impérialiste. Soit dit en passant, le virage à gauche de l'Église catholique a fait apparaître un autre moment intéressant pour l'effervescence populiste. Cette évolution a été incarnée avec éloquence par les conférences épiscopales de Medellín (1968) et de Puebla (1979). En conséquence, la Théologie de la Libération a revigoré les traditions missionnaires de la Contre-Réforme et a catalysé une vague de communautés paysannes militantes, notamment au Nicaragua et au Brésil, où le Sandinisme et le MST (« Mouvement des Sans Terre ») sont actuellement des acteurs majeurs sur la scène politique.

samedi, 05 décembre 2020

Bonne nouvelle de La Paz

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Bonne nouvelle de La Paz

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Le trucage des élections ne fait pas tout. Le 8 novembre dernier, tandis que des fraudes électorales massives s’opéraient dans plusieurs États du MidWest étatsunien, la Bolivie investissait son nouveau président, Luis Arce, marquant ainsi l’échec total d’une révolution colorée atlantiste – occidentaliste.

Le 10 novembre 2019, après plusieurs journées de manifestations, de grèves et d’incidents, sur la pression des responsables de la police et de l’armée, le président de l’État plurinational de Bolivie Evo Morales démissionnait et s’exilait d’abord au Mexique, puis en Argentine. Candidat à un quatrième mandat consécutif malgré un revers au référendum de révision constitutionnelle de 2016, le président Morales devançait d’une dizaine de points son principal concurrent, l’ancien président libéral Carlos Mesa. Dans la foulée de ce départ précipité, le vice-président Álvaro Linera, la présidente du Sénat et le président de la Chambre des députés abandonnèrent à leur tour leur fonction. L’intérim de la présidence revint alors à la deuxième vice-présidente du Sénat, une obscure élue d’opposition, Jeanine Áñez.

À peine arrivée à la tête de la Bolivie, Áñez persécute les élus, cadres et militants du parti d’Evo Morales, le MAS (Mouvement vers le socialisme) aux lointaines racines nationalistes, communautaires, phalangistes et justicialistes. Elle rompt aussitôt les relations diplomatiques avec Cuba et le Venezuela, se retire de l’ALBA (Alternative bolivarienne pour les Amériques) et ordonne des enquêtes à charge contre son prédécesseur et la plupart de ses ministres. Si, dans ses premières allocutions, Áñez entend seulement assumer l’intérim, elle se ravise vite et annonce sa candidature à l’échéance présidentielle à venir. Or, le coronavirus contraint le report à diverses reprises des opérations électorales.

En attendant, les Boliviens subissent toute la lubricité du néo-libéralisme. Non seulement aligné sur les États-Unis et incapable de bien gérer la crise sanitaire, le gouvernement Áñez veut tout privatiser, obéit à l’agriculture industrielle, autorise les OGM et s’en prend aux acquis sociaux. Par ailleurs, des scandales retentissants impliquent vite l’entourage, politique et privée, de la présidente par intérim.

imagesdcbol.jpgEmpêché de se présenter tant à la présidence qu’à un siège de sénateur, Evo Morales, en accord avec les instances du MAS, des syndicats et des mouvements indigènes indianistes, suggère la candidature de Luis Arce. Puissant ministre de l’Économie de 2006 à 2017 et en 2019, le « père du miracle économique bolivien » choisit pour colistier à la vice-présidence l’Amérindien David Choquehuanca (photo).

Le mécontentement grandissant des Boliviens inquiète et déstabilise la bourgeoisie compradore. Après bien des hésitations, Áñez renonce à sa candidature et rejoint Carlos Mesa. Tous les sondages prévoient un duel serré entre Mesa et Arce avec, en arrière-plan, la montée en puissance d’un hérétique schismatique soi-disant chrétien, le démagogue évangélique des grands propriétaires néo-conservateurs, Luis Camacho.

Ce 18 octobre, les Boliviens élisent à la fois leur président, leur vice-président, le Sénat et la Chambre des députés. Avec une participation de 88,5 %, Luis Arce remporte dès le premier tour la présidence (55,10 %) contre Mesa (28,83 %) et Camacho (14 %). Le nouveau président peut s’appuyer sur une large majorité MAS et alliés à la Chambre (75 sièges sur 130) et au Sénat (21 sièges sur 36). Les citoyens boliviens contrecarrent les prétentions atlantistes, occidentalistes et mondialistes de l’hyper-classe anglo-saxonne et de ses sbires locaux. Certes, le président Arce n’est pas aussi charismatique qu’Evo Morales qui dirigea la Bolivie de 2005 à 2019, un record pour un pays comptant quatre-vingt-deux chefs d’État depuis 1825 ! Les électeurs ont nettement préféré un économiste réputé qui comprend l’intérêt commun.

Par-delà les particularités géographiques, historiques, politiques et ethniques de la Bolivie, on peut se demander s’il ne faudrait pas que le Bélarus connaisse lui aussi une brève expérience ultra-libérale avec sa propre Jeanine Áñez, Svetlana Tikhanovskaïa, afin que les Bélarussiens découvrent vraiment le cauchemar libéral-occidental dans toute sa cruelle réalité.

Georges Feltin-Tracol

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 192, mise en ligne sur TVLibertés, le 24 novembre 2020.

lundi, 22 juin 2020

Salut au « Commandant Zéro » !

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Salut au « Commandant Zéro » !

par Georges FELTIN-TRACOL

Le « Commandant Zéro » alias Eden Pastora Gomez est mort d’une crise cardiaque le 16 juin dernier dans un hôpital de Managua (Nicaragua) à l’âge de 83 ans. Né le 15 novembre 1936 à Cuidad Dario au Nord-Est des deux grands lacs du pays, cet ancien élève des Jésuites commence des études de médecine dans diverses universités, en particulier celle de Guadalajara au Mexique.

Mieux que les questions médicales, il s’intéresse vite à la politique. Son père a été assassiné par un nervis des Somoza qui tyrannisent le Nicaragua depuis des décennies. C’est une dynastie kleptocratique soumise à Washington. Face aux tentatives révolutionnaires qui secouent la pesante domination étatsunienne en Amérique centrale avec l’expérience guatémaltèque du colonel Jacobo Arbenz Guzman qui redistribue entre 1951 et 1954 dans la cadre d’une réforme agraire audacieuse 900 000 hectares non cultivés de l’United Fruit et des latifundistes à plus de cent mille familles, et la victoire de Fidel Castro et des « Barbudos » en 1959 à Cuba, le Département d’État et les grandes compagnies commerciales encouragent l’armée à renverser les dirigeants les moins dociles aux injonctions yankees.

L’héritage de Sandino

Dans cette effervescence politique et sociale, le jeune Pastora et cinq autres condisciples fondent au début des années 1960 un Front révolutionnaire Sandino à Las Segovias. Né en 1895, Augusto Cesar Sandino continue à marquer l’histoire du Nicaragua et de tout l’isthme américain. Fils illégitime d’un propriétaire terrien et d’une paysanne métisse, Sandino travaille au Guatemala et au Mexique, fréquente les milieux anarcho-syndicalistes et développe un vigoureux discours nationaliste anti-étatsunien. Les États-Unis occupent en effet le Nicaragua, de 1912 à 1925, puis de 1926 à 1933, en raison de la proximité stratégique du canal de Panama. Partisan de la libération de sa terre natale, Sandino veut aussi la justice sociale et, en souvenir de la Fédération d’Amérique centrale (1824 – 1838), la réunion des peuples centraméricains. En « Général des Hommes libres » commandant l’Armée de Défense de la Souveraineté nationale du Nicaragua, il mène avec un succès certain la guérilla contre les troupes étatsuniennes et leurs auxiliaires locaux. Il meurt assassiné en 1934.

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En 1966, le Front révolutionnaire Sandino constitue avec des formations libérale, conservatrice, sociale-chrétienne, socialiste et communiste, une Union nationale d’opposition (UNO) hostile au clan mafieux somoziste. Malgré les arrestations, des détentions fréquentes et des conditions guère propices au militantisme, Eden Pastora poursuit son action politique. Il se rapproche du Front de libération nationale (FLN), fondé en 1960 par Carlo Fonseca, Silvio Mayorga et Tomas Borge. Après bien des débats internes, le FLN adopte l’adjectif « sandiniste » et devient le FSLN (Front sandiniste de libération nationale) avec un étendard frappé de deux bandes horizontales noire et rouge.

Eden Pastora s’implique dans l’action militaire qui commence vers 1974. Il s’impose vite comme l’un des principaux responsables de la guérilla. Son fait d’arme le plus impressionnant est l’« opération Chanchera ». Le 22 août 1978, à la tête d’un commando de vingt-cinq combattants, il s’empare du Palais national à Managua et prend en otage plus d’un millier de personnes, parlementaires et parents du despote Somoza inclus. Après bien des négociations, le gouvernement nicaraguayen accepte tous les conditions exigées par Eden Pastora désormais connu dans le monde entier sous le nom de code de « Commandant Zéro ». Le commando quitte le Nicaragua pour ensuite rejoindre les autres forces sandinistes.

Le prestige considérable du « Commandant Zéro » auprès des sandinistes assure à la faction « tercériste » du FSLN une prépondérance durable. Le FSLN se structure autour de trois tendances aux vues politiques souvent divergentes. Le courant marxiste-léniniste, ouvriériste et favorable à une grève générale insurrectionnelle se retrouve dans le FSLN « Prolétarien ». Le FSLN « Guerre populaire prolongée » emprunte les thèmes maoïstes de guerre populaire et guévaristes du foquisme (déclencher de nombreux foyers de guérilla dans toute l’Amérique latine). Le FSLN « Tiers », « Insurrectionnel » ou « tiercériste » s’attache pour sa part à concilier les deux courants précédents et, surtout, à attirer toutes les catégories sociales dans un front commun anti-Somoza. Sa figure de proue se nomme Daniel Ortega.

Révolte contre la révolution

Le régime pro-étatsunien de Somoza tombe en 1979. En liaison avec l’opposition politique, le FSLN établit une Junte gouvernementale de reconstruction nationale. Eden Pastora devient commandant de brigade et dirige les milices populaires sandinistes. Il est successivement vice-ministre de l’Intérieur, puis vice-ministre de la Défense. Le 9 juillet 1981, le célèbre « Commandant Zéro » démissionne cependant de toutes ses fonctions officielles et s’installe au Costa Rica voisin dont il a obtenu la nationalité en 1977. Par ce départ retentissant, il proteste contre la politique répressive des nouvelles autorités, l’influence grandissant des Cubains au sein de la Junte et, sauf pour quelques rares exceptions, le refus d’aider les autres mouvements révolutionnaires centraméricains.

Eden Pastora n’y reste pas longtemps inactif. Il reprend le chemin de la lutte armée au sein de l’Alliance révolutionnaire démocratique (ARDE). Entre 1981 et 1986, dans le Sud du Nicaragua, non loin du Costa Rica, il affronte (un peu) l’armée sandiniste et (plus régulièrement) les Contras, les rebelles somozistes financés par la CIA. Le régime sandiniste de Daniel Ortega le condamne bientôt à mort. Le 30 mai 1984, en dépit de graves blessures, le « Commandant Zéro » et son épouse échappent de justesse à un attentat dans le village de La Penca perpétré par un combattant péroniste de gauche travaillant pour les services secrets cubains (et/ou étatsuniens). Quelques semaines plutôt en avril 1984, l’ARDE investissait une petite région du littoral Atlantique. Eden Pastora y proclame la « République libre de San Juan del Norte ».

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Déclinant l’armement, l’argent et les conseillers venus des États-Unis, le « Commandant Zéro » accepte en revanche un maigre soutien chinois en armes et en munitions. En outre, à la différence des Contras liés à la CIA et aux cartels de la drogue qui préfèrent la clandestinité, Eden Pastora invite les journalistes du monde entier qui médiatisent ainsi son combat. Il cesse néanmoins la lutte en 1986 et retourne vivre au Costa Rica. L’opposition libérale-conservatrice remporte les élections de 1990, ce qui met un terme au gouvernement sandiniste. Devenu pêcheur de requin professionnel, ce père de vingt-et-un enfants (trois mariages et un bon nombre de romances…) semble se détacher du sort du Nicaragua.

Un retour mitigé en politique

À tort ! Dès 1993, fidèle à ses engagements passés, Eden Pastora fonde le Mouvement d’action démocratique qui se veut démocrate social, c’est-à-dire d’« un socialisme national non-marxiste, qu’il alla jusqu’à qualifier de troisième voie (p. 214) », explique Gabriele Adinolfi dans Pensées corsaires. Abécédaire de lutte et de victoire (Éditions du Lore, 2008). Son passé de guérillero l’incite à intervenir dans l’insurrection néo-zapatiste du sous-commandant Marcos. Par une série de notes transmises à la présidence de la République du Mexique, il empêche la répression militaire du Chiapas. Le « Commandant Zéro » se présente à l’élection présidentielle de novembre 2006 au nom d’une Alternative pour le changement. Il ne recueille que 6 120 voix, soit 0,27 % des suffrages exprimés. Cet échec électoral ne l’empêche pas d’appeler à voter pour le candidat sandiniste Daniel Ortega avec qui il s’est réconcilié.

Élu président du Nicaragua, Daniel Ortega se rapproche d’un autre commandant, celui de la nation vénézuélienne, Hugo Chavez. Le Nicaragua adhère à l’ALBA (Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique – Traité de commerce des peuples). L’entente avec Caracas irrite la bourgeoisie compradore nicaraguayenne et la ploutocratie yankee qui considère toujours l’ensemble de l’Amérique romane comme son arrière-cour.

Le président Ortega nomme Eden Pastora en 2007 délégué du gouvernement au développement du bassin du fleuve San Juan, une région qu’il connaît bien puisqu’il y a guerroyé dans la décennie 1980. Pendant trois ans, il effectue de nombreux aménagements fluviaux et économiques. Ces travaux suscitent le mécontentement du Costa Rica. En 2013, à la demande du gouvernement costaricain, Interpol lance à son encontre un mandat de recherche pour des délits d’usurpation de biens publics et de violation de la loi forestière du Costa Rica.

Parallèlement, Managua connaît en 2018 une révolution de couleur orchestrée par des officines étatsuniennes, relayée par les petits bourgeois nantis et une Église catholique plus que jamais servile à l’égard de l’Oncle Sam. Le « Commandant Zéro » réaffirme toute sa confiance envers le président Ortega. Il n’hésite pas non plus à tonner contre l’opposition libérale – cléricale. Eden Pastora lance ainsi une mise en garde publique que les vrais Européens auraient tout intérêt à reprendre envers l’institution ecclésiastique cosmopolite dégénérée : « Que les évêques se souviennent que les balles traversent aussi la soutane. »

Au terme d’une vie bien remplie, El Commandante Eden Pastora est parti pour d’autres cieux qui savent accueillir avec honneur et gratitude les héros de la Patrie nicaraguayenne, de la Révolution sociale et de la Nation méso-américaine.

Georges Feltin-Tracol

jeudi, 28 mai 2020

Machtprobe in der Karibik: Eskaliert der Streit um iranische Öllieferungen an Venezuela?

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Torsten Groß:

Machtprobe in der Karibik: Eskaliert der Streit um iranische Öllieferungen an Venezuela?

Ex: https://kopp-report.de

Während die Corona-Pandemie weiterhin die Schlagzeilen der Medien beherrscht, zieht in der Karibik weitgehend unbemerkt von der Öffentlichkeit eine Krise herauf, die einen gefährlichen internationalen Konflikt heraufbeschwören könnte. Seit Ende April befinden sich fünf iranische Tankschiffe, die 1,5 Millionen Barrel Benzin geladen haben sollen, auf dem Weg nach Venezuela. Sie werden dort voraussichtlich Ende Mai/Anfang Juni eintreffen. Besonders pikant: Die USA haben sowohl gegen den Iran als auch gegen Venezuela umfangreiche Wirtschaftssanktionen verhängt.

Während sich der Boykott im Falle des Iran gegen das Atomprogramm des Landes richtet, soll der wirtschaftliche Druck auf Venezuela zum Sturz des sozialistischen Regimes von Staatspräsident Nicolás Maduro beitragen, dem überdies vorgeworfen wird, den Rauschgiftschmuggel in die Vereinigten Staaten zu fördern. An seine Stelle soll bis zu Neuwahlen eine Übergangsregierung unter Parlamentspräsident Juan Guaidó treten, der sich im Januar 2019 selbst zum Interimspräsidenten Venezuelas erklärte und in dieser Funktion von 54 Staaten anerkannt wird, darunter auch Deutschland und die Europäische Union.

Wegen Misswirtschaft, Korruption und der US-Sanktionen befindet sich Venezuela in einer schweren Wirtschaftskrise. Die Corona-Pandemie hat die Lage in dem südamerikanischen Land noch verschärft.

Obwohl Venezuela mit geschätzten 48 Milliarden Tonnen über die größten Erdölreserven der Welt verfügt, herrscht dort eine gravierende Benzinknappheit. Die Ernte verrottet auf den Feldern, weil es zu wenig Kraftstoff für Landmaschinen und Lastwagen gibt. Der Grund für diesen Mangel sind fehlende Raffineriekapazitäten, um das reichlich vorhandene Öl zu verarbeiten. Venezuela ist deshalb dringend auf Treibstofflieferungen aus dem Ausland angewiesen, die aber wegen des harten US-Embargos nicht ins Land gelangen. Deshalb hilft nun das Mullah-Regime in Teheran aus, das mit der sozialistischen Regierung in Caracas bereits seit 20 Jahren freundschaftliche Beziehungen unterhält.

Washington hat den Iran vor der Lieferung an Venezuela, die neben Benzin auch diverse Chemikalien und technische Ausrüstung umfasst, eindringlich gewarnt und Marineeinheiten in der Region zusammengezogen, die zum Einsatz kommen könnten, um die iranischen Tanker aufzuhalten. Die venezolanische Regierung hat ihrerseits Kriegsschiffe und Kampfflugzeuge zum Schutz der Tanker entsandt. Sie sollen die Schiffe nach Erreichen der ausschließlichen Wirtschaftszone Venezuelas eskortieren, die sich über ein Seegebiet von 200 Meilen vor der Küste erstreckt. Der erste Tanker, die »Fortune«, hat die venezolanischen Hoheitsgewässer vor zwei Tagen erreicht, was vom sozialistischen Maduro-Regime propagandistisch als Erfolg gefeiert wird. Die anderen Transporter sollen in den nächsten Tagen folgen. Bislang hat die US-Marine nicht eingegriffen, um das Embargo militärisch durchzusetzen. Bei dieser Zurückhaltung muss es nicht bleiben.

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Die Szenerie erinnert ein Stück weit an die Kuba-Krise des Jahres 1962. Damals war es US-Präsident John F. Kennedy, der eine Seeblockade gegen Kuba verhängte, um weitere Waffenlieferungen aus der UdSSR zu unterbinden und den Abzug atomar bestückter sowjetischer Mittelstreckenraketen zu erzwingen, die kurz zuvor auf der karibischen Zuckerinsel stationiert worden waren und das amerikanische Festland bedrohten. Moskau beugte sich damals dem Druck Washingtons und ließ die Frachter kurz vor Erreichen des Sperrgebiets abdrehen. Eine militärische Konfrontation der Supermächte, die wahrscheinlich zu einem nuklear geführten Weltkrieg geführt hätte, konnten so mit viel Glück in letzter Sekunde verhindert werden. Ob es auch diesmal gelingt, einen bewaffneten Konflikt zu vermeiden, in den Russland und China als Verbündete Venezuelas und des Iran hineingezogen werden könnten, ist offen.

In einer offiziellen Dringlichkeitsmitteilung an die Vereinten Nationen beklagt die Regierung Maduro die als »illegal« bezeichnete »Drohung des bevorstehenden Einsatzes militärischer Gewalt durch die Vereinigten Staaten.« Zeitgleich warnte Irans Staatspräsident Hassan Rouhani Washington davor, die Benzinlieferung an Venezuela zu behindern. »Falls die Amerikaner unseren Öltankern in der Karibik Probleme bereiten sollten, dann werden auch wir ihnen Probleme bereiten«, so Rouhani. Das Mullah-Regime in Teheran könnte als Reaktion auf militärische Maßnahmen der US-Marine gegen die Treibstofflieferungen an Venezuela amerikanische Stützpunkte im Nahen und Mittleren Osten attackieren bzw. die Tankschifffahrt im Persischen Golf etwa durch die Sperrung der Straße von Hormus unterbrechen, einer Meerenge von nur 55 Kilometern Breite, durch die etwa 40 Prozent des weltweiten Ölbedarfs transportiert werden. Eine Blockade dieses Nadelöhrs würde die westlichen Industriestaaten empfindlich treffen und die coronabedingte Wirtschaftskrise erheblich verschärfen.

US-Präsident Donald Trump ist in einer schwierigen Situation: Würde er die Marine anweisen, die iranischen Tanker auf ihrem Weg nach Venezuela zu stoppen, um die von den Vereinigten Staaten einseitig verhängten Sanktionen gegen die Maduro-Regierung durchzusetzen, dürfte das zu militärischen Racheakten des Iran führen, was den Konflikt eskalierte und im Extremfall zu einem größeren Krieg unter Beteiligung weiterer Mächte ausarten könnte. Einen solchen Konflikt aber kann sich Trump im Präsidentschaftswahljahr 2020 kaum leisten, zumal auch die Vereinigten Staaten durch die Corona-Pandemie wirtschaftlich geschwächt sind. Lässt es Washington aber zu, dass die iranischen Schiffe Venezuela erreichen und ihre Fracht löschen, bedeutete das einen Gesichtsverlust für Amerika. Die politische und militärische Autorität der Supermacht USA wäre in Frage gestellt. Auch das kann sich Trump nicht leisten, weder in den Augen der Weltöffentlichkeit noch der eigenen Wählerschaft.

Beobachter mutmaßen, dass die Vereinigten Staaten alternative Wege beschreiten könnten, um den Iran für seine Unterstützung Venezuelas abzustrafen. Medienberichten zufolge ist der iranische Hafen, aus dem die Tanker in Richtung Südamerika ausgelaufen sind, kürzlich durch einen Hackerangriff lahmgelegt worden. Hinter dieser Attacke soll das mit den USA verbündete Israel stecken. Weitere subversive Aktionen gegen den Iran könnten folgen. Eine militärische Option ist damit aber nicht vom Tisch, selbst wenn die US-Marine die fünf iranischen Schiffe passieren lassen sollte. Denn die importierten Treibstoffvorräte werden Experten zufolge nur zwei bis drei Wochen reichen, um den Bedarf Venezuelas zu decken. Nachschub dürfte also schon bald vonnöten sein.

51ww7rK3EyL.jpgSollte der Iran eine weitere Tanker-Flottille auf die Reise nach Südamerika schicken, könnten die Vereinigten Staaten ihre bisherige Zurückhaltung aufgeben und die Schiffe mit militärischer Gewalt an der Weiterfahrt hindern.

Eine bewaffnete Eskalation des Streits um die iranischen Lieferungen an Venezuela würde eine gefährliche internationale Krise heraufbeschwören und die ohnehin angespannte geopolitische Lage weiter verschärfen – und das mitten in der Corona-Pandemie.

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mercredi, 20 mai 2020

Pression américaine sur le Venezuela : Washington veut un « changement de régime »

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Pression américaine sur le Venezuela : Washington veut un « changement de régime »

Par Bernhard Tomaschitz

Profitant de la crise du coronavirus, les Etats-Unis multiplient leurs efforts pour provoquer un changement de régime au Venezuela

Alors que la crise du coronavirus affecte toute la planète, les tensions entre les Etats-Unis et le Venezuela s’intensifient. Au début du mois de mai 2020, plusieurs tentatives d’invasion auraient eu lieu dans l’Etat sud-américain. Vingt-trois personnes auraient été prises prisonnières et, d’après les autorités vénézuéliennes, il s’agirait de mercenaires. Ces actions, ajoutent-elles, auraient été téléguidées par l’opposition vénézuélienne et par les cartels de narcotrafiquants basés en Colombie, comme l’a déclaré le ministre des communications Jorge Rodriguez. Derrière cette tentative d’invasion, baptisée « Operation Gedeon », se profilerait le firme de mercenariat Silvercorp de l’ancien soldat d’élite américain Jordan Goudreau. Le siège de Silvercorp est situé dans l’Etat américain de Floride. Ce qui frappe de premier abord, c’est que cette « Operation Gedeon » a été menée à la mode du dilettante. Le New York Times écrit qu’elle était menée selon un « scénario hollywoodien ». Le ministre américain des affaires étrangères, Mike Pompeo, a fait savoir que « si nous avions été impliqués, les choses auraient tourné autrement ». Cette déclaration permet toutefois de conclure que l’option militaire contre le Venezuela est bel et bien envisagée aux Etats-Unis.

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Depuis lors, Washington et Caracas se querellent pour savoir qui est à l’origine de l’« Operation Gedeon ». Rodriguez : « Le gouvernement de Trump aura du mal à nier ses responsabilités ». Donald Trump rejette toute implication américaine et a évoqué une campagne de désinformation du Président vénézuélien Nicolas Maduro. D’après le New York Times cependant, Silvercorp affirme avoir conclu un accord avec l’opposition vénézuélienne portant sur une somme de 220 millions de dollars, « afin de l’aider à renverser Maduro ».

Les faits sont pourtant les suivants : Donald Trump, depuis son entrée en fonction en janvier 2017 et en dépit des sanctions économiques accrues contre le Venezuela, n’est toujours pas parvenu à provoquer un changement de régime à Caracas et à installer un gouvernement de marionnettes dirigé par Juan Guaido, président ad interim auto-proclamé. La revue Politico écrit : « La stratégie américaine contre le Venezuela patine depuis près d’un an, depuis que Trump a demandé à Maduro de se retirer et a imposé des sanctions accrues contre son gouvernement ». Maduro « est toutefois resté au pouvoir avec l’appui des adversaires des Etats-Unis que sont la Russie et Cuba ». Washington n’a plus guère d’autres ressources que d’appuyer Guaido et de parier sur la menace militaire ». Quant à Guaido, les Etats-Unis affirment, par la voix d’Elliott Abrams, conseiller spécial pour le Venezuela auprès du gouvernement américain, vouloir encore le soutenir dans l’avenir.

Ce soutien, ouvertement avoué, à un « président intérimaire » auto-proclamé est, qu’on le veuille ou non, l’indice d’une immixtion délibérée dans les affaires intérieures d’un Etat souverain. De même que le projet esquissé par Elliott Abrams, baptisé « Projet-cadre pour la transition démocratique au Venezuela ». Le noyau central de ce projet vise la constitution d’un « conseil d’Etat » qui reprendrait à son compte le rôle du gouvernement vénézuélien. Au point 6 de ce projet, on lit : « toutes les compétences exercées par le Président en vertu de la constitution seront toutes transmises au ‘conseil d’Etat’ ». Et dès que ce « conseil d’Etat » se mettrait à fonctionner, Maduro serait démis de ses fonctions et les sanctions imposées par les Etats-Unis et l’UE seraient levées. Et, bien évidemment, ce « conseil d’Etat » serait constitué de telle manière que l’opposition, soutenue par les Etats-Unis, obtiendrait de facto un droit de veto.

Et ce n’est pas tout : en avril les Etats-Unis ont incriminé Maduro sous le prétexte de trafic de drogues et mis sa tête à prix pour 15 millions de dollars. Pire : ils ont envoyé des navires de guerre dans les Caraïbes. La revue The American Conservative émet également son avis : « Les Etats-Unis ont amorcé la plus grande invasion dans notre hémisphère depuis celle de Panama ». Elle évoque l’invasion américaine du Panama en décembre 1989, où Manuel Noriega, qui y détenait le pouvoir, a été renversé. Le conseil de sécurité de l’ONU n’avait donné aucun mandat permettant cette invasion ; comme les Etats-Unis n’avaient pas été attaqués par le Panama, on peut affirmer que cette agression était contraire au droit des gens. The American Conservative poursuit, en soulignant un détail particulier : la mise à prix de la tête de Maduro a été signée par le même procureur général, William Barr, qui avait, en 1989, justifié juridiquement l’invasion perpétrée contre Noriega.

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A l’époque comme aujourd’hui, la lutte contre le narcotrafic constituait le prétexte de l’action américaine. Washington justifie l’envoi de ses navires de guerre dans la Mer des Caraïbes en arguant de la nécessité d’interdire le trafic de stupéfiants sur le territoire américain. Les faits nous obligent à constater, toutefois, qu’il y a davantage de drogues qui arrivent aux Etats-Unis par la Colombie que par le Venezuela. Mais la Colombie est le principal allié des Etats-Unis dans la région. Ses trafiquants envoient leurs drogues aux Etats-Unis par la voie maritime du Pacifique. Il est probable que la Colombie ait joué un rôle dans l’« Operation Gedeon « , estime Lucas Leiro de Almeida de l’Université de Rio de Janeiro. Il écrit : « D’après des sources officielles, les guerilleros ont quitté la Colombie par la mer pour arriver au Venezuela, transportés par les bâtiments d’une firme américaine, que Guaido lui-même aurait loués (…). Le procureur général du Venezuela a rendu publiques toute une série de preuves, y compris le contrat signé entre Guaido et l’entreprise américaine, lequel contrat décrivant la route maritime à suivre depuis la Colombie ; or c’est justement cette route-là que les attaquants ont suivie ; cela confirme les accusations formulées par le gouvernement de Maduro ».

Bernhard TOMASCHITZ.

(article tiré de « zur Zeit », Vienne, n°20/2020).   

lundi, 18 mai 2020

Lansquenets et conquistadores allemands au Venezuela

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Lansquenets et conquistadores allemands au Venezuela

Par Harald Winter

En 1505, un premier grand voyage commercial commence, organisé par Anton Welser dans le cadre d’une vaste expédition maritime portugaise visant à accroître considérablement le commerce des épices. Celui-ci s’était amplifié après le voyage sur mer de Vasco de Gama en 1497-98, qui avait conduit l’expédition portugaise aux Indes. La famille Welser avait financé le voyage à concurrence de 20.000 cruzados. Par ce geste, les Welser, du moins la branche de Nuremberg de cette famille allemande, devint la principale maison commerciale dans le négoce d’outre-mer.

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Bartholomeus Welser.

Après la mort d’Anton I Welser, un an plus tard, Bartholomeus V Welser (1484-1561), de la branche d’Augsbourg cette fois, poursuivit l’initiative. C’est lui qui s’engagea dans les expéditions dans le Nouveau Monde. La première implantation des Welser Outre-Atlantique fut à Saint-Domingue dans les Caraïbes. En 1519, le roi d’Espagne Charles I, le futur Charles-Quint, emprunte des sommes considérables auprès des deux maisons commerciales d’Augsbourg, les Welser et les Fugger. Il fallait absolument qu’il dame le pion du Roi de France François I qui s’était présenté comme candidat à l’élection impériale. Comme il fut incapable de rembourser ses dettes d’environ 160.000 florins, à l’instar de tous les Habsbourg, il céda aux Welser un territoire de quelque 260 km2 se situant dans l’actuel Venezuela. On l’appela la « Petite Venise ». Finalement, les Welser y bâtirent deux villes et trois places fortes.

En 1529, Ambrosius Ehinger devint le premier gouverneur de la « Petite Venise ». Il débaptisa la petite ville de Coro, que les Espagnols avaient fondée deux ans auparavant, et la renomma « Nouvelle-Augsbourg » (Neu-Augsburg). La même année, les Allemands de sa suite, fondent la « Nouvelle-Nuremberg » (Neu-Nürnberg), l’actuelle Maracaibo. Un an plus tard, ils fondent une troisième ville, Barquisimeto. Au début, cette colonisation semblait être une bonne affaire car le Roi d’Espagne ne touchait que 10% sur l’or, l’argent et les pierres précieuses. En échange, les gouverneurs appointés par les Welser ne devaient pas payer l’impôt sur le sel, les droits de douane et les droits portuaires dans le port de Séville, qui monopolisait le commerce espagnol dans le Nouveau Monde. Sans cesse, les gens recrutés par les Welser ont tenté des expéditions dans l’intérieur des terres sud-américaines dans l’espoir de découvrir le fameux El Dorado, le pays légendaire où tout était d’or : ce fut une succession d’échecs dus à l’hostilité du milieu naturel et des tribus amérindiennes.

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Au cours des dix-sept années que dura la domination des Welser au Venezuela, on dénombre dans les actes seize noms de commandants allemands, qui menaient un grand nombre de subordonnés espagnols, de mercenaires et aussi de lansquenets allemands. On ne sait pas exactement quel fut le nombre d’Allemands de souche qui participèrent à cette entreprise car, finalement, peu de noms sont mentionnés dans les textes. Certains de ses noms ont été plus que probablement modifiés ou hispanisés.  Ainsi, Hannes Berger est devenu Juan Aleman ; Bartel Blümlein est devenu Bartolomé Flores. Un certain Hammer s’est fait appeler Martillo. Il n’y en eut probablement pas plus d’une centaine, dont une petite moitié était des lansquenets au service et à la solde de la Couronne d’Espagne.

Nous avons quelques indices dans le témoignage du lansquenet allemand Ulrich Schmidel, fils d’une famille patricienne de Straubing, qui participa à l’expédition de Pedro de Mendozas en 1535 qui explora le Rio de la Plata. Il signale, dans son témoignage, que l’expédition comptait 2500 Espagnols et 150 Hauts-Allemands, Néerlandais, Est-Allemands (« Osterlich ») et Saxons. Le pire ennemi de ces Européens, à l’intérieur des terres, fut la faim.

Parmi les autres récits écrits particuliers de l’époque, nous avons les lettres de Philippe von Hutten et les « Histoires indiennes » de Nikolaus Federmann. Ce dernier a commencé deux expéditions à la recherche de l’El Dorado. Il franchit les Andes et fonda, de concert avec les deux conquistadores espagnols Jiménez de Quesada et Sebastian de Belalcàzar, la ville de Bogota, ainsi que la ville de Riohacha en Colombie, qui fut notamment son initiative.

Philippe von Hutten, cousin du très célèbre humaniste Ulrich von Hutten,  servit comme colonel dans la colonie des Welser, avant d’en devenir le capitaine-général en 1540. Cinq ans plus tard, il affronte les Indiens dans l’intérieur des terres puis, aussi, des rebelles espagnols. C’est de la main de ces rebelles qu’il trouvera la mort en 1540, tout comme Bartholomeus VI Welser.

Le tribunal de Saint-Domingue élit alors Juan de Carvajal vice-gouverneur et capitaine-général du Venezuela en 1544. Election que ni les Welser ni Hutten n’acceptent. Lors d’une confrontation avec les troupes de Carjaval, qui, avec l’appui de cercles espagnols influents, refusait la présence des colons allemands, les deux hommes sont pris prisonniers et condamnés à mort. La sentence est exécutée immédiatement.

Charles-Quint ordonna une enquête et le 17 septembre 1546 Juan de Carjaval est à son tour condamné à mort. On l’exécuta en l’attachant à la queue d’un cheval qui le traîna jusqu’à ce que mort s’ensuive. Quand Charles-Quint se retira, les Welser perdirent leurs droits à la concession. C’est ainsi que se termina la présence allemande au Venezuela.

Harald Winter.

(Article issu de « zur Zeit », Vienne, n°12/2019).

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Ulrich Schmidl

Le puissant lansquenet bavarois Ulrich Schmidl maitrisait la lecture et l’écriture. Il nous a décrit, de manière bien vivante, les souffrances endurées par les Européens sur le continent sud-américain. Son récit porte sur une expédition partie du Venezuela, visant à ouvrir à la colonisation les régions situées au sud de la colonie allemande. Voici ce que Schmidl nous décrit : « Car nos gens n’avaient rien à manger, souffraient de grande misère et mourraient de faim. Même les chevaux ne suffirent pas, loin s’en faut. Il y eut tant de misère et de famine que ni les rats ni les rongeurs ni même les serpents ou autres vermines ne furent suffisants pour nous rassasier de notre immense misère et de notre pénible faim. Nous n’épargnâmes même pas nos chaussures et autres pièces de cuir : tout devait être mangé. Un jour, trois Espagnols prirent un cheval et le mangèrent en secret ; quand nous nous en aperçûmes, nous les fîmes prisonniers et nous les soumîmes à la question de très cruelle manière. Quand ils avouèrent, nous les conduisîmes à la potence et les pendîmes. La nuit suivante, trois autres Espagnols se concertèrent et se rendirent au gibet où avaient péri les trois pendus, ils leurs découpèrent les cuisses et ôtèrent force morceaux de chair de leurs corps morts et s’en servirent pour apaiser leur terrible faim dans leur tanière ».

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(NdT : Ce texte a vraisemblablement inspiré Werner Herzog pour le film « Aguirre et la colère de Dieu », avec Klaus Kinski et sa fille comme acteurs principaux).

HW.

mardi, 04 février 2020

Pérou, élections législatives: victoire d'une secte biblique et prophétique !

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Pérou, élections législatives: victoire d'une secte biblique et prophétique !

Le Frepap, bras politique d’une secte religieuse qui prône le retour aux valeurs de la Bible, devient, avec seize députés, le deuxième parti du pays.

frepap.jpgLes personnes de la communauté LGBTI ont «le mal enkysté dans le cœur et dans le sang, mais ils vont avoir une chance de découvrir le décalogue universel des commandements, et par cet intermédiaire entrer dans la moralisation, pour plus tard devenir des gens de bien». Ces propos délirants ne sont ni nouveaux ni surprenants de la part d’un pasteur évangélique en Amérique latine. Ils sont plus inquiétants quand ils sortent de la bouche d’un responsable dont le parti a fait une entrée fracassante dimanche à l’Assemblée nationale du Pérou, devenant avec près de 9% des voix et seize élus la deuxième force politique du pays.

La diatribe a été tenue devant les caméras par Wilmer Cayllahua, qui, avec sa longue tunique et sa barbe de prophète, a multiplié les apparitions médiatiques pendant la campagne électorale. Son parti, le Front populaire agricole du Pérou (Frepap, ou «Agro» pour ses partisans), s’intéresse moins au monde rural qu’au règne des cieux : c’est le bras séculier d’une secte née dans les Andes, l’Association évangélique de la mission israélite du nouveau pacte universel (Aeminpu).

Pour les «israélites», comme on les appelle couramment, le Pérou est la terre promise et ses habitants, le nouveau peuple élu. Ils s’habillent de longues tuniques, les femmes ont la tête couverte et les hommes ne se rasent pas. Le fondateur et messie, Ezequiel Ataucusi, cordonnier et père de sept enfants, eut une révélation en 1968 : emmené «au troisième ciel», selon ses dires, il se proclame la réincarnation du prophète Ezéchiel. Sa doctrine mélange allègrement une lecture littérale de l’Ancien Testament avec les mythes incaïques, la langue de la grande majorité des fidèles étant le quechua. Le moment fort du calendrier de la secte est la célébration de «l’holocauste», le sacrifice d’un bœuf qui brûle sept jours durant.

Programme ultraconservateur axé sur la moralisation

artworks-000073318053-vvmjhf-t500x500.jpgEn 1989, Ezequiel Ataucusi fonde le Frepap et se présente, l’année suivante, à l’élection présidentielle, expérience qu’il renouvelle en 1995 et 2000, sans jamais dépasser 1% des voix. Le parti «agro» parvient à faire élire quelques députés au fil des années 90, qui rejoignent rapidement (et probablement contre rémunération) des formations moins farfelues.

A sa mort en 2000, à 82 ans, son fils qui porte les mêmes nom et prénom lui succède et garde le cap fixé par son père : une activité spirituelle combinée à une ambition électorale. Dans un contexte de défiance vis-à-vis du monde politique, après des scandales de corruption et des poursuites judiciaires contre presque tous les anciens présidents du pays, le Frepap parvient à imposer son symbole, un petit poisson bleu, et à faire entendre son programme ultraconservateur axé sur la moralisation.

Pour tenter d’éteindre la polémique suscitée par les saillies homophobes de Wilmer Cayllahua, le président du parti, Ezequiel Ataucusi fils, a rappelé que son mouvement respecterait la Constitution et la vie privée des citoyens, en ajoutant : «Notre église compte trois homosexuels. Repentants, bien entendu !»

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A noter que ce que Libération n’indique pas dans l’article que nous reproduisons ici (https://www.liberation.fr/planete/2020/02/01/les-homophob... ), c’est que grand apôtre de la vertu, la secte « évangélique » a depuis son implantation en Amazonie fait main basse sur le trafic de cocaïne péruvien. ( https://www.ulyces.co/lali-houghton/cette-secte-peruvienn...).

mercredi, 08 janvier 2020

Les grandes tendances géopolitiques de 2020, région par région

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Les grandes tendances géopolitiques de 2020, région par région


Par Andrew Korybko 

Source oneworld.press

Ex: https://www.lesakerfrancophone.fr

La nouvelle année constitue une opportunité idéale d’attirer l’attention sur les trois tendances géopolitiques les plus importantes pour chaque région, qui pourraient fortement influencer la course des événements au cours des 12 mois à venir.

Amérique du Nord

Trump tenté (piégé?) par Les Démocrates vers une nouvelle guerre

Les périodes d’élections présidentielles constituent systématiquement un moment très sensible en matière de politique étrangère étasunienne : le président sortant (s’il y en a bien un cette fois-ci) essaye en général d’éviter de se faire prendre dans des missions controversées à l’étranger, cependant que l’opposition fait tout son possible pour le pousser à commettre une intervention en vue de faire baisser ses chances de ré-élection.

La possible désignation par les États-Unis des cartels de drogue comme terroristes

Sur les exhortations de son homologue mexicain, Trump a remis dans sa poche sa décision controversée de désigner les cartels de drogue comme terroristes, mais il pourrait la ressortir cette année pour améliorer ses chances de ré-élection, en dépit des conséquences qu’une telle décision pourraient engendrer dans les relations bilatérales avec le Mexique.

L’impact économique de l’ACEUM

On s’attend à ce que la mise en œuvre de l’ACEUM1 (« NAFTA 2.0 ») porte des impacts très positifs sur les économies des trois pays impliqués, chose qui, conjuguée avec une stabilisation relative de la situation au Mexique, pourrait propulser Trump vers un deuxième mandat, en particulier sur le dossier de l’immigration illégale motivée par des raisons économiques vers les États-Unis.

Amérique latine

Possible diffusion du « printemps sud-américain »

L’éclatement à différents niveaux d’une révolte authentiquement populaire dans plusieurs pays d’Amérique du Sud au cours des derniers mois de l’année 2019 peut se diffuser sur le reste du continent, la question qui occupe l’esprit de la plupart des observateurs étant de savoir si le Brésil de Bolsonaro sera épargné par ce scénario.

La poursuite de l’« Opération Condor 2.0 »

Aucun doute que la guerre hybride fomentée par les États-Unis d’Amérique à l’encontre des gouvernements multipolaires-socialistes de cet hémisphère va se poursuivre en 2020, avec le Venezuela, Cuba et le Nicaragua en cibles de premier plan, suite à la réussite de l’opération de changement de régime sur Morales, le président de Bolivie allié de ces pays, en 2019.

La « Citadelle Amérique »

À l’arrière de ses réussites géopolitiques de la décennie écoulée, les États-Unis vont tâcher d’institutionnaliser leur hégémonie fortement rétablie sur l’Amérique latine, au travers d’accord commerciaux bilatéraux bloc à bloc entre l’ACEUM (déjà rattachée à l’ALÉAC2, l’Alliance Pacifique, et le Mercosur, afin de créer une méga-région pro-États-Unis.

Europe

La montée des « Trois Mers »

L’« Initiative des trois mers« , soutenue par les États-Unis et dirigée par la Pologne, va poursuivre sa montée en puissance en matières géopolitique, militaire et économique ; il s’agit d’une cale étasunienne visant à empêcher tout rapprochement non approuvé par Washington entre l’Europe occidentale et la Russie.

La bataille du pouvoir post-Brexit au sein de l’Union européenne

Les traits que prendra de facto le pouvoir politique dans l’UE post-Brexit ne sont pas encore bien distincts, mais il pourrait s’agir ou bien d’une poursuite de l’hégémonie allemande, de l’émergence de la France comme rivale de celle-ci, ou d’une division entre une Europe franco-allemande à l’Ouest et une Europe centrale menée par la Pologne (EuroLibéraux contre EuroRéalistes).

La triangulation des relations commerciales

L’UE constitue un des angles du triangle économique mondial, complété par les États-Unis et la Chine, mais il faut s’attendre à ce que les États-Unis fassent pression sur l’UE pour qu’elle prenne ses distances avec la Chine, suite à la conclusion de la « première phase » de leur accord commercial plus étendu, ou qu’elle assume sa propre possible guerre commerciale contre Trump.

Afrique

La crise des États faillis en Afrique de l’Ouest

Le triangle des frontières Mali-Burkina Faso-Niger est devenu le nouveau « Syrak« , au sens où cet espace constitue une zone stratégique, sans loi mais très étendue, comprenant des millions de personnes, déstabilisée par les menaces terroristes. Les conséquences pourraient déboucher sur une réaction en chaîne d’États faillis et de crises migratoires.

Les élections à venir en Éthiopie

L’Éthiopie va connaître des élections en 2020, qui sont largement décrites comme les plus libres et les plus justes de l’histoire récente de ce pays ; mais le risque est que les lignes de fracture ethnoreligieuses exacerbées par le premier ministre Abiy, lauréat du prix Nobel de la paix, s’approfondissent à l’issue de l’élection et plongent le pays dans une totale « Balkanisation ».

Le conflit de Cabo Delgado au Mozambique

Qu’on en attribue les causes à des terroristes étrangers, à des insurgés locaux, ou à une combinaison des deux, le conflit de Cabo Delgado au Mozambique semble voué à s’empirer en 2020 ; ce qui pourrait porter à conséquences en matière de sécurité sur le plan régional : la communauté Est-africaine est une voisine proche, mais aussi sur le plan mondial, le pays hébergeant d’immenses projets d’extraction de Gaz naturel liquéfié.

Moyen Orient-Afrique du Nord

Ça passe ou ça casse pour le « néo-ottomanisme »

La grande ambition stratégique de la Turquie, visant à rétablir sa sphère d’influence historique, sera mise à l’épreuve en Méditerranée orientale, avec d’une part la construction de l’oléoduc GRISCY par ses rivaux régionaux, et d’autre part, au-delà les étendues maritimes d’Afrique du Nord, sur le dossier incertain de la survie des autorités pro-Ankara à Tripoli.

Le « Nouveau Moyen-Orient »

La baisse d’intensité des guerres en Syrie et au Yémen pourrait déboucher sur un accord tacite de l’ensemble des parties prenantes, tant intra qu’extra-régionales (on pense à la Russie, à la Chine et aux États-Unis dans cette seconde catégorie) quant à un nouveau statu quo régional, qui pourrait même connaître l’influence de l’« Accord du Siècle » de Trump.

Une réconciliation du CCG

Des étapes petites mais réelles ont été actées au cours des dernières semaines dans la perspective d’une réconciliation du Conseil de Coopération du Golfe, entre le Qatar et ses partenaires dans l’organisation (en premier chef, l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis), mais ce processus pourrait n’en être qu’à ses débuts ; et le débouché final sera corrélé aux liens futurs de Doha avec Ankara.

Ex-URSS

Vacillement du « numéro d’équilibriste » de la Russie

La Russie va devoir recalibrer son exercice d' »équilibrage » si elle veut espérer poursuivre cette stratégie de manière crédible, suite à son pivot vers l’Inde, et suite à l’hypothèse très sérieuse d’une vente de missile BrahMos à des prétendants sur la Mer de Chine, comme les Philippines ; la situation de confiance avec la Chine, durement gagnée au cours des deux décennies passée, en dépend.

L’Asie centrale poursuit son intégration régionale tous azimuts

Les anciennes républiques soviétiques d’Asie centrale progressent dans leur intégration régionale tous azimuts dans la lignée des réformes pragmatiques en matière de politique étrangère pratiquées par Mirziyoyev, le nouveau président de l’Ouzbékistan, qui ont établi une atmosphère de confiance facilitant la participation volontaire de ces pays à l’OTSC, à l’OCS et aux Nouvelles routes de la soie.

Fin du « numéro d’équilibriste » du Bélarus

Le Bélarus va se voir pressé de choisir entre, d’une part, rester membre des processus d’intégration menés par la Russie, ou d’autre part s’associer aux processus soutenus par les États-Unis et l’UE (« initiative des trois mers » y compris) : ce n’est pas là la résultante d’une « ingérence russe » mais simplement l’échec du « numéro d’équilibriste » de Lukashenko en 2019.

Asie du Sud

Un accord de paix afghan déclencherait un changement de paradigme

On assisterait à un vrai changement de paradigme en matière géostratégique régionale, si les États-Unis réussissaient à conclure un accord de paix avec les Talibans, qui conjuguerait la montée en puissance des parties prenantes multipolaires dans cet État enclavé perclus par la guerre, avec un basculement de l’approche régionale étasunienne, d’un axe militaire vers un axe économique.

Des progrès tangibles sur CPEC+

On assistera très probablement à une expansion du corridor économique Chine-Pakistan en direction du Nord, de l’Ouest et du Sud (respectivement, N-CPEC+, W-CPEC+, et S-CPEC+) courant 2020, l’État pivot mondial du Pakistan commençant lentement mais sûrement à intégrer cette vision dans son approche stratégique générale.

Implosion interne en Inde

Les tentatives du parti BJP au pouvoir d’imposer une « Hindu Rashtra«  à l’État constitutionnel séculaire ont provoqué un niveau de tumulte ethnique, religieux, séparatiste et politique sans précédent depuis la tristement célèbre « urgence » de l’Inde au cours des années 1975-1977 ; la situation va sans doute s’empirer, l’État doublant la mise en matière de violences, et l’économie poursuivant son déclin.

Asie orientale

Implications indo-japonaises dans le grand Est russe

Le « Couloir maritime Vladivostok-Chennai«  (VCMC) va faire monter l’influence de l’Inde sur le grand Est de la Russie, et une percée dans la conclusion d’un accord de paix russo-japonais pourrait en faire autant pour Tokyo, les deux nations asiatiques alliées pouvant aller jusqu’à inviter la Russie à rejoindre leur « Couloir de croissance Asie-Afrique » (AAGC).

« Deuxième Phase » de l’accord commercial?

On ne sait pas encore quand, ni même si, les États-Unis et la Chine conviendront d’une « seconde phase » de leur accord commercial élargi, cette variable étant d’une influence considérable quant à leurs relations en 2020, ainsi que sur l’état de leurs économies.

Le point d’interrogation coréen

Nul ne sait vraiment ce que décidera la Corée du Nord, mais tout recul sur son engagement symbolique à la dénucléarisation pourrait porter à des conséquences très déstabilisantes pour la région, du fait de la réaction que cela pourrait engendrer de la part des États-Unis, en particulier si Trump accuse la Chine d’exercer de supposées pressions sur son partenaire pour qu’il « se comporte mal ».

ASEAN & Océanie

Des missiles supersoniques pourraient perturber l’« l’équilibre des pouvoirs » en Mer de Chine du Sud

Les intérêts importants qu’ont la Russie et l’Inde à vendre leurs missiles de croisières supersoniques BrahMos, produits conjointement, à des États entretenant des différends territoriaux avec la Chine, pourraient complètement remettre en cause l’« équilibre des pouvoirs » qui a jusqu’ici empêché l’éclatement d’une guerre, tout comme pourrait le faire toute tentative étasunienne de les dépasser en livrant le même type d’armement dans la région.

La déstabilisation par l’« armée Arakan » de l’État Rakhine du Myanmar

Au Myanmar [que les médias dominants s’obstinent en occident à nommer « Birmanie », préférant l’appellation néocolonialiste à l’auto-détermination des nations, NdT], l’État Rakhine est connu mondialement comme la région où les efforts contre-terroristes menés par l’armée en 2017 avaient amené à l’exode de plus d’un demi-million de « Rohingyas », mais à présent c’est devenu le dernier front en date dans la longue guerre civile, l’« armée Arakan«  y ayant mené des assauts tout au long de l’année 2019.

La compétition sino-australienne dans le Pacifique Sud

Il est très peu probable que la compétition sino-australienne en cours, visant à gagner l’influence sur le Pacifique Sud (encouragée qu’est l’Australie dans ce jeu par les États-Unis d’Amérique), puisse voir baisser son intensité en 2020 : la constellation de petits États insulaires à faible population continuera de faire l’objet d’une attention mondiale accrue. [A noter que la Chine est le 1er client de l’Australie ce que met cett dernière sur le grill sans jeux de mots, NdSF]

Monde

Les organisations d’intégration régionales sont d’une importance plus grande que jamais

La plus grande partie du monde fait de nos jours partie de blocs d’intégrations politiques et/ou économiques régionaux — ACEUM, Alliance Pacifique, Mercosur, UE, Union Eurasienne, AfCFTA, CCG, SAARC, OCS, ASEAN, OBOR, RCEP —, ce qui amène à l’émergence de relations entre blocs (en opposition aux relations purement inter-nationales) comme vecteur de changement mondial.

Le retour de Kissinger

La stratégie étasunienne kissingerienne de « diviser pour mieux régner » devient relativement plus facile à mener qu’au cours des quelques années passées, du fait du développement de plusieurs lignes de failles entre l’Europe occidentale et centrale, entre la Turquie et ses voisins, entre la Chine et l’Inde, et le vacillement de l’« exercice d’équilibre » russe, parmi d’autres.

Le « grand partenariat eurasiatique » (GEP) constitue le meilleur espoir du supercontinent

Le meilleur espoir de réduire les conséquences déstabilisantes des résurgences de la stratégie ravivée kissingerienne étasunienne réside dans l’intégration par le GEP russe du supercontinent, sur une base bloc-à-bloc. Sa réussite dépend cependant fortement de la capacité de Moscou à recalibrer son « exercice d’équilibre », et de la décision de l’Inde de s’allier ou de contrer ce projet.

Andrew Korybko est un analyste politique américain, établi à Moscou, spécialisé dans les relations entre la stratégie étasunienne en Afrique et en Eurasie, les nouvelles Routes de la soie chinoises, et la Guerre hybride.

Traduit par José Martí pour le Saker Francophone

  1. 1) 2) Accord Canada–États-Unis–Mexique, en anglais USMCA
  2. Accord de libre-échange entre l’Amérique centrale, les États-Unis d’Amérique et la République dominicaine (communément appelé Accord de libre-échange d’Amérique centrale, ALÉAC, en anglais CAFTA-DR

jeudi, 05 décembre 2019

Le Serpent à plumes, un dieu normand ?

Avant d’avoir été un dieu, le Serpent à plumes, originaire d’une lointaine contrée, débarqua au Mexique. Il devint le chef d’un peuple ancien, les Toltèques. Le Serpent à plumes était considéré comme le plus beau des hommes. Ses cheveux et sa barbe avaient la couleur des rayons de l’astre solaire. La légende raconte que Quetzalcoatl, une des incarnations du Serpent à plumes, apprit aux hommes à fondre les métaux et tailler les pierres précieuses. Malheureusement, des rivalités politiques obligèrent Quetzalcoatl à quitter le pays. Avant son départ, il lança au peuple : « Un jour, des hommes blancs et barbus comme moi viendront de l’Orient pour rétablir mon ancien royaume ». Puis, il s’embarqua dans le golfe du Mexique avec quelques compagnons pour disparaître au-delà de l’Océan.

En fouillant la mémoire des peuples Mayas, Muiscas, Vénézuéliens, on retrouva quelques traces de son passage. Son nom diffère selon les peuples : Kukulkan, Zumé, Bochica, Viracocha… Un homme blanc, blond et barbu.

Cinq siècles plus tard, face aux Espagnols, Aztèques et Incas pensaient avoir affaire à ces dieux barbus de leur panthéon. Quelle grave erreur, quelle méprise ! Il s’agissait des conquistadors Cortès et Pizarre.

En ces temps reculés que certains situent au Xe siècle, quel peuple à la barbe et aux cheveux clairs avait bien pu impressionner les Amérindiens au point de le faire entrer dans la légende ?

Lequel, sinon ce peuple de hardis navigateurs – les Normands – seuls capables d’affronter l’Océan avec leurs bateaux, esnèques ou drakkars, durant le Haut Moyen Âge,

On trouve, en Amérique du Sud, des portraits européens sous forme de sculptures ou de fresques, des momies blondes sont détenues par le Musée anthropologique de Lima, au Pérou, une écriture étrangement semblable à des runes au Paraguay, un navire de type nordique à Lambayeque, au Pérou et même une carte avec le tracé précis de l’Amérique du Sud avant la découverte du Pacifique par Balboa et le voyage de Magellan.

Les Normands implantés en baie de Seine surent alors établir des routes commerciales régulières avec l’Amérique méridionale. À la fin du XIIIe siècle, le bois du Brésil est mentionné dans les « Droitures, coustumes et appartenances de la viscomté de l’eau ». En outre, la coutume d’Harfleur et les douanes de Dieppe prélevaient à la même époque des droits sur les troncs de sapang, qui donnent une teinte rouge, que l’on retrouve en Amérique centrale et du Sud.

En parallèle à ce négoce transocéanique, les cartes commencent à situer dans l’Océan Atlantique une « île » que les géographes appellent Bracil, Berzil, Brazil…

Dans le sillage des courageux navigateurs normands du Moyen Âge, le gentilhomme honfleurais, le capitaine Paulmier de Gonneville accoste au Brésil en 1503 et Jean Denis, maire de Honfleur, explore l’embouchure du Saint-Laurent en 1506.

Pour effectuer ces découvertes, les Normands sont à la pointe.

EuroLibertés vous conseille deux livres de Jacques de Mahieu aux éditions Dualpha pour découvrir la présence viking en Amérique du Sud :

Le grand voyage du Dieu-Soleil : Le professeur de Mahieu apporte avec ce livre les preuves formelles de l’arrivée, cinq siècles avant Christophe Colomb, des Drakkars Vikings en Amérique. Le grand voyage du Dieu­-Soleil, c’est la magnifique épopée des drakkars partis à la conquête du Nouveau Monde. C’est l’exploration et l’occupation des terres inconnues. C’est, enfin, un livre à grand spectacle doublé d’une recherche passionnée, minutieuse et savante. Une contribution magistrale à l’histoire pré­colombienne de ce continent. Pour commander ce livre, cliquez ici.

Drakkars sur l’Amazone : Au sud de l’Amazone, dans l’état brésilien du Piaui, Jacques de Mahieu a relevé et identifié les Sept-Villes, un lieu de culte qu’il attribue aux Vikings. Pour commander ce livre, cliquez ici.

mercredi, 13 novembre 2019

Les USA se vengent de leur cuisant échec au Venezuela

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Les USA se vengent de leur cuisant échec au Venezuela

 
Ex: https://katehon.com

Après avoir lamentablement échoué au Venezuela, les États-Unis se défoulent en Bolivie : Dans la nuit de dimanche à lundi, le commandant en chef de l’armée bolivienne, le Général Williams Kaliman, a exigé du Président Evo Morales qu’il démissionne « pour le bien de la Bolivie », une Bolivie qui quelques jours plus tôt avait réélu Morales avec 47.07% des voix contre 36.51% allant à son adversaire centriste, soit 10 points d’écart.

 « Après avoir analysé la situation conflictuelle interne, nous demandons au président de renoncer à son mandat présidentiel afin de permettre la pacification et le maintien de la stabilité, pour le bien de notre Bolivie », a déclaré le général que cite ce matin et largement la presse mainstream. Dans un tweet le Président Morales que certaines sources affirment être en route pour demander l’asile en Argentine ou au Mexique dit : « La police avait l’intention de m’arrêter illégalement. Les groupes de pression se sont attaqués à mon domicile. C’est un coup d’État qui foule au pied la loi« . Ce matin, les fauteurs de trouble se trouvaient toujours dans les rues de La Paz et les sources bien informées évoquent des arrestations de masse des pro-Morales.

Qu’est ce qui s’est passé réellement ? Largement battu en brèche par les résultats des dernières législatives en Amérique Latine où les partis anti-impérialistes ont presque dans la quasi totalité des cas haut la main, les Etats-Unis d’Amérique largement déçus au Venezuela tentent d’inverser la tendance ; En fait le putsch qui a renversé Morales est une déclaration de guerre des États-Unis aux peuples latino-américains, estiment les observateurs. Dans la foulée, le Venezuela et Cuba ont condamné le coup de force contre le président bolivien. Cuba a appelé la communauté internationale à soutenir Morales en tant que président. Le président vénézuélien Nicolas Maduro a également condamné fermement les évolutions qui ont conduit à la démission de Morales en Bolivie. Quant à l’Argentine qui vient d’élire Alberto Fernandez à la tête de l’État, il qualifie le putsch d’inacceptable et appelle à la tenue dans les moindres délais d’élections libres.

Unis peuvent se targuer d’avoir réussi un coup qu’ils ont lamentablement raté au Venezuela. Morales a été réélu le 20 octobre avec 47% des voix contre 36,5% pour son rival centriste, Carlos Mesa, qu’on qualifie de Guaido de Bolivie. Cet écart de 10 points aurait dû suffire à apaiser les manipulations du camp atlantiste mais les temps ont changé, les États-Unis de Trump ayant affiché un total mépris des lois et du droit international. Pour le reste, le Président bolivien est un ennemi coriace : en 2016 il avait annoncé, qu’il allait expulser du pays la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International (FMI). La Bolivie avait interdit, dès 2006 déjà, la mainmise de groupes étrangers sur les ressources du sous-sol du pays. En 2008, elle expulsait du pays l’ambassadeur des États-Unis, devenu persona non grataet n’a cessé depuis de donner l’exemple qu’il est possible de s’extraire des griffes des stratèges internationaux de la finance. Il fallait que cela s’arrête.

En mai Evo Morales s’est rendu à Moscou à titre de premier dirigeant bolivien à s’être déplacé en Russie. Il a salué le « retour de la Russie en Amérique Latine » disant apprécier son rôle dans l’établissement d’un monde multipolaire. Les deux pays ont signé des accords de coopération militaire et sur la lutte contre le trafic de drogue, ainsi qu’une déclaration commune qui prévoit un renforcement de la coopération énergétique.

« La Russie contribuera à la construction de gazoducs et à l’exploration de gisements en Bolivie« , avait alors déclaré au président Morales, le Premier ministre russe, Medvedev qui affirmait aussi que Gazprom pourrait investir trois milliards de dollars dans l’exploration de nouveaux gisements d’hydrocarbures en Bolivie. Gazprom est présent en Bolivie qui possède les deuxièmes plus grandes réserves de gaz d’Amérique latine, derrière le Venezuela et tout renforcement de la présence russe aurait risqué de devenir incontrôlable. Mais ce n’est pas tout : La Bolivie de Morales menait aussi des discussions avec l’Iran, un autre pays alliés en juillet pour se procurer des drones iraniens. A la suite de la rencontre du 23 juillet entre de hautes délégations iranienne et bolivienne à La Paz, la Bolivie a affiché sa volonté d’acheter des drones iraniens.

Une chose est sûre : le camp atlantiste qui travaille en ce moment même à reproduire le scénario raté au Venezuela à la fois en Irak et au Liban, vient de marquer un point en Bolivie. Mais les dés sont loin d’être jetés, Morales ayant annoncé qu’il ne renoncerait pas à la lutte anti-impérialiste.

Source : Press Tv

 

mardi, 10 septembre 2019

Pour saluer la mémoire d’un Argentin exemplaire

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Pour saluer la mémoire d’un Argentin exemplaire

par Georges FELTIN-TRACOL

Chers Amis dEurope Maxima,

Il y a dix ans, le 2 septembre 2009, décédait à l’âge de 75 ans d’une crise cardiaque à Buenos Aires Mohamed Ali Seineldin. Si cette personnalité reste méconnue en Europe hors des cercles hispanophones, il a pourtant été un remarquable activiste nationaliste argentin.

le 12 novembre 1933 à Concepción del Uruguay dans la province d’Entre Ríos, Mohamed Ali Seineldin vient d’une famille druze d’origine libanaise. Ayant grandi sous la décennie péroniste, il s’engage dans l’armée et se convertit au catholicisme de tradition. Seineldin signifiant en arabe « Protecteur de la foi », il rendra toute sa vie un culte particulier à la Vierge Marie tout en conservant ses prénoms musulmans par respect pour ses parents.

Officier commando d’infanterie, il participe à la tentative de reconquête des Malouines occupées par la perfide Albion en 1983. Malgré la défaite, il garde le respect de ses hommes. Hostile aux États-Unis d’Amérique, au sionisme et au mondialisme, il partage des idées assez semblables à celles de l’Étatsunien réfractaire Lyndon LaRouche. Ce proche du théoricien nationaliste-révolutionnaire Norberto Ceresole s’élève vite contre l’épuration des cadres de l’armée entreprise par le gouvernement néo-démocratique de Raul Alfonsin. En 1988, il s’empare de la caserne de Villa Martelli près de Buenos Aires. Attaché militaire au Panama, il assiste à l’invasion et à l’occupation de ce petit pays stratégique par la soldatesque yankee en 1989. La scandaleuse arrestation de Manuel Noriega préfigure celle des présidents résistants Slobodan Milosevic, Saddam Hussein et Radovan Karadzic ainsi que l’assassinat du Guide Libyen Kadhafi. Sous la présidence du traître péroniste et kleptocrate notoire Carlos Menem, le colonel Seineldin fomente en 1990 un second coup d’État qui échoue en raison de la torpeur des troupes et de l’apathie de la population. Mohamed Ali Seineldin devient la principale figure des « carapintadas », ces militaires nationaux-révolutionnaires qui maquillent leur visage de camouflage. Malgré les échecs répétés, les « carapintadas » marqueront durablement le lieutenant-colonel des parachutistes vénézuélien Hugo Chavez.

MAS-livre.jpgArrêté puis jugé, Mohamed Ali Seineldin est condamné à la détention perpétuelle. Il rédige en 1992 dans sa cellule une Synthèse du projet mondialiste « Nouvel Ordre » qui doit être imposé dans les nations ibéro-américaines. Il dénonce dans cette brochure le « Nouvel Ordre mondial » et l’impérialisme cosmopolite étatsunien. Gracié par le président Eduardo Duhalde en 2003, il réintègre le cadre de réserve des forces armées. Ce partisan des aires de développement autocentrées crée d’abord un groupuscule politique, le Mouvement pour l’identité nationale et l’intégration ibéro-américain, avant de rejoindre le Parti populaire de la Reconstruction d’orientation nationaliste catholique fondé en 1996 par l’un de ses anciens lieutenants, Gustavo Breide Obeid. Le colonel Seineldin soutient donc une troisième voie nationale, populaire, sociale et continentale autant opposée à l’ultra-libéralisme bankstériste qu’au collectivisme marxiste. Il n’hésita jamais au cours de sa vie à mettre ses idées au bout de sa peau, quitte à le payer parfois chèrement.

Le colonel Mohamed Ali Seineldin représente aux côtés du « Commandant Zéro », le Nicaraguayen Eden Pastora, et du « Commandante » bolivarien Hugo Chavez, l’exemple même du combattant politique soucieux des intérêts conjoints de sa nation et de l’Amérique romane. Sa vie demeure plus que jamais une source d’inspiration pour tous les révolutionnaires-conservateurs du monde entier.

Bonjour chez vous !

Georges Feltin-Tracol

« Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 137, pour Europe Maxima.

mardi, 02 avril 2019

Washington cherche l’escalade : y aura-t-il de nouvelles sanctions contre la Russie à cause du soutien de Moscou à Maduro ?

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Washington cherche l’escalade : y aura-t-il de nouvelles sanctions contre la Russie à cause du soutien de Moscou à Maduro ?

Washington / Caracas : Le gouvernement américain entend infliger de nouvelles sanctions à la Russie, cette fois à cause du soutien que celle-ci apporte au régime de Maduro au Vénézuela. John Bolton, conseiller ès-sécurité du Président Trump, a condamné ce soutien et a averti d’autres Etats de n’envoyer ni forces militaires ni équipements. « Nous considérerons de tels actes provocateurs comme une menace directe contre la paix internationale et contre la sécurité dans la région » a lancé Bolton.

Elliott Abrams, plénipotentiaire américain pour le Venezuela, a déclaré que les Etats-Unis disposaient de toute une série d’options pour s’opposer à l’engagement russe au pays de Maduro. Quand on lui a posé la question de savoir ce que le gouvernement américain entendait faire pour barrer la route aux projets russes en Amérique latine, Abrams a répondu : « Nous avons une liste d’options ». Il y aurait ainsi des possibilités au niveau diplomatique mais aussi au niveau économique, c’est-à-dire des sanctions. Il n’a pas été plus explicite. Mais il a toutefois souligné : « Ce serait une erreur, pour les Russes, de croire qu’ils ont les mains libres en cette région. Ils ne les ont pas ! ». Et il a ajouté que le nombre de soldats russes au Venezuela n’est pas très grand mais leur influence potentielle est néanmoins considérable. Leur présence ne va pas dans l’intérêt de la population du pays.

Les Russes ont toutefois contesté les accusations des Américains, ces derniers jours, et leur ont reproché d’organiser un coup d’Etat pour favoriser un changement de régime au Venezuela, ce qui revient à s’immiscer de manière inacceptable dans les affaires intérieures de l’Etat sud-américain. Moscou se réfère à un accord existant de coopération militaire et technique avec le Venezuela. Vendredi dernier, la Russie a demandé une nouvelle fois que les Etats-Unis ne se mêlent pas des affaires intérieures du Venezuela. Washington n’a pas le droit, ajoutent-ils, de dicter à d’autres Etats avec quels pays ils peuvent collaborer, pensent les principaux acteurs de la politique étrangères à Moscou.

(article paru sur http://www.zuerst.de – 01 avril 2019).

lundi, 18 mars 2019

Le survivalisme et la “panne“ électrique au Venezuela

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Le survivalisme et la “panne“ électrique au Venezuela

par Antonin Campana

Ex: http://www.autochtonisme.com

 

A l’heure où j’écris cette note, la panne électrique qui affecte le Venezuela, probablement liée (en grande partie) à une succession d’attaques cybernétiques étatsuniennes, dure depuis un peu plus d’une centaine d’heures. Les conséquences à très court terme de cette panne qui a débutée le 07 mars à 20h50 doivent être analysées et nous servir d’avertissement. Il convient de noter, préalablement, que cette panne n’a jamais été totale. Caracas reste alimentée à 20 % environ et, entre deux attaques, le 09 mars, l’électricité a même été brièvement rétablie à 70% dans tout le pays.  Quoi qu’il en soit, le chaos semble aujourd’hui total :

  • L’eau ne coule plus au robinet. En effet, le système hydraulique en eau potable est actionné comme partout par des pompes qui fonctionnent électriquement. De nombreuses personnes sortent déjà des villes à la recherche de sources d’eau potable et font la queue pendant des heures pour remplir une bouteille ou un jerricane (photo).
  • Faute d’arrivée d’eau, les toilettes sont inutilisables. Dans les villes, il faut faire dans des récipients que l’on abandonne sur la voie publique, avec toutes les conséquences sanitaires que l’on peut supposer.
  • La nourriture entreposée dans les réfrigérateurs et les congélateurs des particuliers, des commerçants et des grandes surfaces, est désormais avariée. Il a suffi de trois jours pour qu’elle ne soit plus consommable.
  • Les paiements électroniques sont impossibles. De la même manière il n’est plus possible de retirer de l’argent liquide aux distributeurs ou à la banque, où les ordinateurs sont hors service. Il s’ensuit que les gens, à cours de liquidité, ne peuvent plus acheter de quoi se nourrir. Les commerçants baissent leur rideau de crainte des pillages.
  • Les pompes à essence elles-mêmes fonctionnent électriquement. Il n’est donc plus possible de faire le plein pour s’échapper, ni même d’emprunter métros et trains qui, pour la même raison, sont désormais à l’arrêt. Il est souvent impossible aussi d’aller travailler.
  • Le réseau téléphonique et internet ne fonctionne plus. Il est devenu très difficile, voire impossible, d’appeler des secours ou même de communiquer avec de la famille éloignée.
  • Dans les hôpitaux, les décès s’accumulent, même s’il est difficile de donner un chiffre. Un député vénézuélien avance le chiffre de 230 décès.
  • Dans les morgues, qui ne sont plus ni éclairées ni réfrigérées, les morts commencent à pourrir.
  • Les pillages ont commencé. Des bandes écument commerces et supermarchés. Le gouvernement demande aux habitants de ne pas sortir le soir. Certaines sources indiquent que les habitants de Caracas ne sortent plus après 17h30.

Il a suffi d’une coupure d’électricité de trois ou quatre jours pour que la population du Venezuela s’éclaire à la bougie, soit coupée du monde, ne puisse plus avoir accès à l’eau potable, ne puisse plus se nourrir, ne puisse plus se déplacer, ne puisse plus se soigner, ne puisse plus se laver, ne puisse plus évacuer ses besoins et soit exposée à la violence comme aux épidémies. Pourtant, la société vénézuélienne est une société depuis longtemps habituée aux pénuries. C’est une société qui a su mettre en place une certaine débrouille pour palier aux manques chroniques qui la contraignent. Ce n’est pas non plus une société complètement « dématérialisée » comme la nôtre. Qu’arriverait-il dans notre pays si une telle « panne » se produisait ? Combien de TGV pourrait-on faire rouler ? Combien de métros seraient à l’heure ? Combien de SMS pourrait-on envoyer ? Quel serait le débit en eau de nos robinets ? Combien de pleins pourrait-on faire ? Quelle quantité de nourriture pourrions-nous acheter avec nos CB ? Avec quels instruments s’organiseraient les « chaînes logistiques » nécessaires à tout ce que nous consommons ? Où allons-nous évacuer nos déjections quand nos seaux seront pleins ? Quel numéro faudra-t-il faire pour appeler la police, les pompiers ou le SAMU ? A quelle source un Parisien ira-t-il chercher son eau potable ? Qui nous défendra contre les pilleurs et les bandes ?

Ces questions sont légitimes au regard de ce que l’on constate au Venezuela. Chacun doit se les poser sans attendre, car l’expérience vénézuélienne nous indique que le chaos survient en moins de trois jours. Certains pensent que nous sommes plus intelligents ou mieux organisés que les vénézuéliens. C’est une erreur : les vénézuéliens sont habitués aux pénuries de toutes sortes, pas nous. Ils ont des solidarités familiales ou de quartier que nous n’avons plus depuis longtemps. Bref, ils sont plus résilients que nous. D’autres croient qu’une telle « panne » ne pourrait pas arriver en Europe. Qui en effet nous voudrait du mal ? L’entente entre les nations a-t-elle jamais été aussi cordiale ? Et puis on sait bien qu’une tempête solaire d’envergure, telle celle de 1859 qui ébranla tout le réseau de télégraphes électriques, n’est plus possible aujourd’hui !  

Chacun voit midi à sa porte, mais il me semble que dans de telles circonstances ces bizounours auraient une durée de vie très courte. Enfin, comme disait l’autre : « moi je dis ça, je dis rien… ».


Antonin Campana

lundi, 18 février 2019

Caracas voit double

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Caracas voit double

par Georges FELTIN-TRACOL

Le 23 janvier 2019, le président de l’Assemblée nationale du Venezuela, Juan Guaidó, issu des rangs de l’opposition majoritaire, s’auto-proclame président et exige le départ immédiat du président de la République en titre, Nicolas Maduro, successeur de feu Hugo Chavez. Immédiatement, Donald Trump, élu avec près de trois millions de voix de moins que Hillary Clinton, reconnaît le nouveau dirigeant par intérim, bientôt suivi par ses caniches habituels (Colombie, Brésil, Chili, Canada, etc.). En Italie, la situation vénézuélienne a déclenché une nouvelle divergence entre la Lega, au tropisme de plus en plus trumpiste, qui soutient Guaidó, et le Mouvement 5 Étoiles qui n’entend pas approuver le putsch. Quant aux nantis en fin de mandat d’un Parlement dit européen souvent élu avec une abstention frôlant les 90 % en Europe centrale, ils s’alignent sur Washington.

Le président Maduro bénéficie, lui, de la bienveillance de la Russie, de la Chine et de la Turquie. Ces puissances continentales s’opposent aux manœuvres déstabilisatrices de l’hégémonie thalassocratique. Bras armé des multinationales de l’énergie, les États-Unis lorgnent avec gourmandise sur les immenses réserves pétrolières. Ils mènent une implacable guerre secrète, économique, culturelle et médiatique, depuis ce 11 avril 2002, jour où le président du patronat, Pedro Carmona, prit le pouvoir pendant 48 h. avant que le peuple vénézuélien ne rétablissât Hugo Chavez dans ses fonctions. Un sabotage économique minutieux provoque une réelle pénurie des biens de première nécessité ainsi qu’une hyper-inflation monstrueuse.

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Norberto Ceresole

Le coup d’éclat de Guaido ne doit pas masquer l’échec du post-chavisme à la sauce Maduro. Le régime bolivarien paie ainsi une kleptocratie florissante, une absence criante de diversification économique, un mono-investissement aujourd’hui tragique dans PDVSA, la compagnie pétrolière nationale, et l’influence excessive de Cuba. La responsabilité posthume du président Chavez est grande dans ce fiasco. Sur l’insistance pressante de son entourage (l’un de ses frères militait chez les communistes), il préféra se tourner vers Fidel Castro plutôt qu’écouter son éphémère conseiller politique, l’Argentin Norberto Ceresole (1943 – 2003).

nc-livre.jpgLe nouveau président vénézuélien désavoua rapidement ce nationaliste-révolutionnaire péroniste et anti-atlantiste radical et le fit expulser dès 1999. Les idées tercéristes de Ceresole indisposaient les nombreux progressistes gravitant autour d’Hugo Chavez. Si celui-ci appliqua en diplomatie une conception assez proche des idées de Ceresole (hostilité aux États-Unis et au libéralisme prédateur, pan-américanisme institutionnel, rapprochement avec la Russie, l’Iran, le Bélarus et la Chine, soutien au Hezbollah et à la cause palestinienne), il gâcha tous ces atouts en politique intérieure comme l’avait prévenu dès 2007 Raul Baduel, son vieux frère d’arme entré ensuite dans un « chavisme d’opposition » et longtemps incarcéré.

La situation complexe au Venezuela ne correspond donc pas à la version diffusée par l’Occident. Il est par conséquent risible que Manu, le disc-jockey de l’Élysée, qualifie sur Twitter d’« élection illégitime » la reconduction du mandat présidentiel de Nicolas Maduro alors que sa propre élection du printemps 2017 reste entachée de faits troublants (procès verbaux réécrits, enquêtes judiciaires contre des candidats, formidable déferlement médiatique en faveur d’un candidat bien particulier…). Si le président Nicolas Maduro est illégitime, Manu l’est tout autant sinon plus… Dans ces circonstances exceptionnelles et fort de ce précédent, le seul et véritable président légitime de la République se nomme Éric Drouet et son incontestable Premier ministre Jérôme Rodrigues.

Georges Feltin-Tracol

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 112, mise en ligne sur TV Libertés, le 11 février 2019.

mardi, 12 février 2019

Pourquoi le Venezuela doit être détruit

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Pourquoi le Venezuela doit être détruit

Les Carnets de Dimitri Orlov

La semaine dernière, Trump, son vice-président Mike Pence, le directeur du département d’État américain Mike Pompeo et le conseiller à la sécurité nationale John Bolton, ainsi qu’un groupe de pays d’Amérique centrale, qui sont grosso modo des colonies américaines et qui n’ont pas de politique étrangère propre, ont annoncé, en même temps, que le Venezuela avait un nouveau président : une non-entité virtuelle nommée Juan Guaidó, qui ne s’était jamais présenté à ce poste, mais qui a été en quelque sorte formé pour ce poste aux États-Unis. Guaidó est apparu lors d’un rassemblement à Caracas, flanqué d’une petite clique de flagorneurs très bien rémunérés. Il avait l’air très effrayé lorsqu’il s’est autoproclamé président du Venezuela et s’est mis à remplir ses fonctions présidentielles en allant se cacher immédiatement.

On ne savait pas où il se trouvait jusqu’à ce qu’il fasse surface lors d’une conférence de presse, au cours de laquelle il n’a pas répondu à la question de savoir s’il avait été contraint de se déclarer président ou s’il l’avait fait de son propre gré, sans hésiter. Il y a beaucoup de choses à la fois tragiques et comiques dans cette histoire, alors démontons-la morceau par morceau. Ensuite, nous passerons à la question de savoir pourquoi le Venezuela doit être détruit (du point de vue de l’establishment américain).

Ce qui ressort immédiatement, c’est la combinaison de l’incompétence et du désespoir dont font preuve toutes les personnalités publiques et non-publiques mentionnées ci-dessus. Pompeo, en exprimant sa reconnaissance à Guaidó, l’appelant “guido”, qui est une insulte ethnique contre les Italiens, tandis que Bolton a fait mieux en l’appelant guiado, cequi pourrait être compris en espagnol par “contrôlé à distance”. Pour ne pas être en reste, Pence a prononcé tout un petit discours sur le Venezuela – une sorte d’adresse au peuple vénézuélien – qui était truffé d’un pseudo charabia espagnol vraiment atroce et qui s’est terminé par un “¡Vaya con Dios !”tout à fait incongru, comme sorti d’un western des années 1950.

Le Conseil de sécurité de l’ONU a également été l’occasion de se divertir, le représentant russe Vasily Nebenzya, toujours redoutable, soulignant que la situation au Venezuela ne constituait pas une menace pour la sécurité internationale et ne relevait donc pas de la compétence du Conseil de sécurité. Il posa ensuite une question pointue à Pompeo, qui était présent à la réunion : « Les États-Unis envisagent-ils de violer une fois de plus la Charte des Nations Unies ».

Pompeo n’a pas donné de réponse. Il s’est assis là, ayant l’air d’un chat qui fait semblant de ne pas mâcher un canari, puis il s’est rapidement enfui. Mais tout récemment, alors qu’il sortait probablement d’une réunion sur la sécurité nationale et se rendait à pied à une conférence de presse de la Maison-Blanche, Bolton a accidentellement montré son bloc-notes devant les caméras des journalistes. On y trouvait les mots “5000 soldats en Colombie”(il s’agit d’une base militaire/colonie de narcotrafiquants américaine à la frontière nord du Venezuela). Était-ce un moment de sénilité de Bolton ? Quoi qu’il en soit, cela semble répondre par l’affirmative à la question de Nebenzya. La nomination au poste d’envoyé spécial au Venezuela d’Elliott Abrams, un criminel reconnu coupable d’être complice de la précédente tentative de coup d’État au Venezuela contre Hugo Chávez, ce qui l’a automatiquement rendu persona non grataau Venezuela, est également un signe d’intention hostile.

Il serait tout à fait pardonnable que vous confondiez cette opération de changement de régime avec une sorte de performance d’art abscon. C’est certainement un peu trop abstrait pour les complexités du monde réel de l’ordre international. Un pauvre larbin effrayé est projeté devant une caméra et se déclare président de Narnia, puis trois larbins (Pence, Pompeo et Bolton) et Bozo le Trump sautent tous sur l’occasion et crient “Oui-oui-oui, c’est sûrement lui”! Et un retraité qui a déjà raté son coup est sorti de sa maison de retraite, dépoussiéré et envoyé en mission dans un pays qui ne veut pas de lui.

Pendant ce temps, dans le monde réel, l’armée vénézuélienne et les tribunaux vénézuéliens restent fermement derrière le président élu Nicolas Maduro et une liste de pays qui constituent la grande majorité de la population mondiale, dont la Chine ; la Russie ; l’Inde ; le Mexique ; la Turquie ; l’Afrique du Sud et quelques autres parlent d’un soutien à Maduro. Même les habitants des pays d’Amérique centrale contrôlés à distance savent très bien à quel point une telle opération de changement de régime créerait un dangereux précédent si elle devait réussir, et ils se disent : “Bon là c’est le Venezuela, demain, ça sera notre tour !”.

Pour être complet, examinons les arguments utilisés pour faire avancer cette opération de changement de régime. Certains prétendent que Nicolas Maduro n’est pas un président légitime parce que les élections de l’année dernière, où il a été soutenu par 68% des électeurs, ont manqué de transparence et ont été boycottées par certains partis d’opposition, alors que la déclaration de Juan Guaidó est 100% légale malgré lui et son Assemblée nationale sans importance qui, selon les sondages de l’opposition, est contestée par 70% des Vénézuéliens. Il y a également eu des allégations non-fondées de “bourrage des urnes” – du fait notamment que les Vénézuéliens n’utilisent pas de bulletins de vote en papier, alors que selon l’observateur électoral international et ancien président américain Jimmy Carter, “le processus électoral au Venezuela est le meilleur au monde”.

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Certains prétendent que Maduro a mal géré l’économie vénézuélienne, ce qui a entraîné une hyperinflation, un taux de chômage élevé, une pénurie de produits de base (notamment de médicaments) et une crise des réfugiés. Il y a du vrai dans ces affirmations, mais nous devons aussi noter que certains voisins du Venezuela font encore pire à bien des égards, même si Maduro n’est pas leur président. En outre, de nombreuses difficultés économiques du Venezuela ont été causées par les sanctions américaines à son encontre. Par exemple, à l’heure actuelle, environ 8 milliards de dollars de l’argent du Venezuela sont bloqués, destinés à financer une armée mercenaire qui devrait envahir et tenter de détruire le Venezuela comme cela a été fait avec la Syrie.

Enfin, une grande partie de la situation difficile du Venezuela est liée à la malédiction du pétrole. Le Venezuela possède les plus grandes réserves de pétrole au monde, mais son pétrole est très visqueux et donc coûteux à produire. Pendant une période où le prix du pétrole était élevé, les Vénézuéliens sont devenus dépendants des largesses pétrolières que le gouvernement avait l’habitude d’utiliser pour sortir des millions de personnes d’une pauvreté abjecte et de les faire sortir des bidonvilles pour les mettre dans des logements sociaux. Et maintenant, le prix beaucoup plus bas du pétrole a provoqué une crise. Si le Venezuela parvient à survivre à cette période, il sera en mesure de se redresser une fois que les prix du pétrole se seront redressés (ce qui sera le cas une fois que le foutu système de Ponzi aux États-Unis aura fait son temps). Nous reviendrons plus tard sur le pétrole vénézuélien.

En passant, beaucoup de gens ont exprimé l’opinion que les malheurs du Venezuela sont dus au socialisme. Selon eux, c’est bien si beaucoup de gens souffrent tant que leur gouvernement est capitaliste, mais s’il est socialiste, ce n’est pas le bon type de souffrance et leur gouvernement mérite d’être renversé, même si tous ont voté pour lui. Par exemple, le site ZeroHedge, qui publie souvent des informations et des analyses utiles, a poussé cette ligne de pensée ad nauseam. Il est malheureux que certaines personnes s’imaginent qu’elles ont des principes et qu’elles ont raison alors qu’elles ne sont au mieux que des idiots stupides et au pire des idiots utiles. Ce n’est pas à elles de décider de la politique des autres nations et elles devraient cesser de nous faire perdre notre temps avec leurs absurdités.

Cette tentative bien visible de changement de régime créerait un précédent très dangereux pour les États-Unis eux-mêmes. La doctrine de la jurisprudence n’est nullement universelle. Elle nous vient du sombre âge de la common lawtribale anglaise et n’est suivie que dans les anciennes colonies britanniques. Pour le reste du monde, c’est une forme barbare d’injustice parce qu’elle accorde un pouvoir arbitraire aux juges et aux avocats. Les tribunaux ne doivent pas être autorisés à écrire ou à modifier des lois, mais seulement à les suivre. Si votre cause peut être tranchée en fonction d’une autre cause qui n’a rien à voir avec vous, alors pourquoi ne pas laisser quelqu’un d’autre payer vos frais juridiques et vos amendes et purger votre peine pour vous ? Mais il existe un principe fondamental du droit international, à savoir que les nations souveraines ont le droit de respecter leurs propres lois et traditions juridiques. Par conséquent, les États-Unis seront liés par les précédents qu’ils établissent. Voyons comment ça marcherait.

Le précédent établi par la reconnaissance de Juan Guaidó par le gouvernement américain permet à Nicolas Maduro de déclarer la présidence de Donald Trump illégitime pour pratiquement toutes les mêmes raisons. Trump n’a pas réussi à remporter le vote populaire, mais n’a obtenu la présidence qu’en raison d’un système électoral corrompu et truffé d’irrégularités. En outre, certains candidats de l’opposition ont été traités injustement au cours du processus électoral. Trump est aussi une honte et un échec : 43 millions de personnes vivent grâce à des coupons alimentaires ; près de 100 millions font partie des chômeurs de longue durée (pudiquement appelés des « sans emploi ») ; la situation des sans-abris est endémique et des villages entiers de tentes sont apparus dans plusieurs villes américaines ; de nombreuses entreprises américaines sont au bord de la faillite ; et Trump ne semble même pas être capable de maintenir le gouvernement fédéral ouvert ! C’est un désastre pour son pays ! Maduro reconnaît donc Bernie Sanders comme le président légitime des États-Unis.

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Vladimir Poutine pourrait alors s’appuyer sur ces deux précédents en reconnaissant également Bernie Sanders comme le président américain légitime. Dans un discours public, il pourrait dire ce qui suit : « J’admets librement que nous avons installé Donald Trump en tant que président américain, comme c’était notre droit sur la base des nombreux précédents établis par les États-Unis eux-mêmes. Malheureusement, l’expérience Trump n’a pas fonctionné comme prévu. Mueller peut prendre sa retraite, car cette clé USB contient tout ce qui est nécessaire pour annuler l’intronisation de Trump. Donny, désolé que ça n’ait pas marché ! Ton passeport russe est prêt, tu peux le retirer à notre ambassade, tout comme les clés de ta chambre à Rostov, juste à côté de l’ancien président ukrainien Viktor Ianoukovitch qui a été violemment changé-de-régime par votre prédécesseur Obama. »

Pourquoi cette hâte inconvenante à faire sauter le Venezuela ?L’explication est simple : il s’agit du pétrole. « Cela fera une grande différence pour les États-Unis sur le plan économique si les compagnies pétrolières américaines peuvent investir et produire du pétrole au Venezuela », a déclaré John Bolton dans une émission sur Fox News. Vous voyez, le pétrole vénézuélien ne peut être produit de façon rentable sans des prix élevés du pétrole – si élevés que de nombreux consommateurs dépendant du pétrole feraient faillite – mais il peut certainement être produit en quantités beaucoup plus importantes et avec d’énormes pertes financières.

D’énormes pertes financières ne gêneraient certainement pas les compagnies pétrolières américaines qui ont jusqu’à présent généré une perte de 300 milliards de dollars en utilisant la fracturation hydraulique, financée par le pillage de l’épargne-retraite des américains, en imposant aux générations futures une lourde dette et d’autres plans néfastes. N’oubliez pas non plus que le plus gros consommateur de pétrole au monde est le ministère américain de la Défense, et s’il doit payer un peu plus cher pour le pétrole afin de continuer à faire exploser des pays, il le fera. Ou plutôt, vous le ferez. C’est la même chose pour eux. Les États-Unis sont déjà bien au-delà de la faillite, mais leurs dirigeants sont prêts à tout pour faire durer la fête pendant encore quelques temps.

Voilà le vrai problème : la fête autour du pétrole de schiste se termine. La plupart des puits les plus productifs ont déjà été exploités ; les nouveaux puits s’épuisent plus rapidement et produisent moins tout en coûtant plus cher ; les prochaines vagues de fracturation, si elles se produisaient, gaspilleraient 500 milliards de dollars, puis 1 000, puis 2 000… Le rythme de forage ralentit déjà et a commencé à ralentir même lorsque les prix du pétrole étaient encore élevés. Pendant ce temps, le pic de production de pétrole conventionnel (non fracturé) a eu lieu en 2005-2006 et seuls quelques pays n’ont pas encore atteint leur pic. La Russie a annoncé qu’elle commencerait à réduire sa production dans seulement deux ans et l’Arabie saoudite n’a plus de capacité disponible.

Une pénurie de pétrole assez importante s’annonce, et elle affectera plus particulièrement les États-Unis, qui brûlent 20% du pétrole mondial (avec seulement 5% de la population mondiale). Une fois l’effondrement survenu, les États-Unis passeront de 2,5 millions de barils par jour devant être importés à au moins 10 millions de barils devant entre importés, mais ce pétrole n’existera plus. Auparavant, les États-Unis étaient capables de résoudre ce problème en faisant exploser des pays et en volant leur pétrole : la destruction de l’Irak et de la Libye a permis aux compagnies pétrolières américaines de se remettre sur pied pendant un certain temps et a empêché l’effondrement du système financier. Mais l’effort pour faire sauter la Syrie a échoué, et la tentative de faire sauter le Venezuela est susceptible d’échouer aussi parce que, gardez cela à l’esprit, le Venezuela a entre 7 et 9 millions de Chavistes imprégnés de l’esprit révolutionnaire bolivarien, une armée importante et bien équipée et ce pays est généralement d’un voisinage très dur.

Auparavant, les États-Unis avaient eu recours à diverses ruses pour légitimer leur agression contre les pays riches en pétrole et le vol subséquent de leurs ressources naturelles. Il y avait cette fiole de talc hautement toxique que Colin Powell a secouée à l’ONU pour que le Conseil de sécurité votait en faveur de la destruction de l’Irak et du vol de son pétrole. Il y a eu l’histoire inventée d’atrocités humanitaires en Libye pour obtenir les votes en faveur d’une zone d’exclusion aérienne (qui s’est avérée être une campagne de bombardements suivie d’un renversement du gouvernement). Mais avec le Venezuela, il n’y a pas de feuille de vigne. Tout ce que nous avons, ce sont des menaces ouvertes d’agression pure et des mensonges flagrants auxquels personne ne croit, livrés maladroitement par des clowns, des larbins et des vieux sur le retour.

Si le plan A (voler le pétrole vénézuélien) échoue, alors le plan B est de prendre tous vos chiffons de papier libellés en dollars américains – espèces ; actions ; obligations ; actes ; polices d’assurance ; billets au porteur, etc. et de les brûler dans des poubelles pour essayer de rester au chaud. Il y a une nette bouffée de désespoir dans toute cette affaire. L’hégémonie mondiale est brisée ; elle est tombée et ne peut plus se relever.

S’il reste un doute dans votre esprit sur la raison pour laquelle le Venezuela doit être détruit, et pourquoi le peuple vénézuélien ne compte pas du tout, c’est Trump lui-même qui l’a dit.

(Le 29 janvier 2019, Club Orlov– Traduction du Sakerfrancophone.)

lundi, 11 février 2019

Pourquoi les États-Unis voudraient-ils du pétrole du Venezuela ?

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Pourquoi les États-Unis voudraient-ils du pétrole du Venezuela ?

par Andrew Korybko

Article original de Andrew Korybko, publié le 26 janvier 2019 sur le site Eurasia Future 
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr 

alors qu’ils achètent déjà 41 % de ses exportations totales …

Le discours dominant des médias alternatifs selon lequel Washington veut imposer un régime fantoche pro-américain au Venezuela pour contrôler tout le pétrole du pays n’a pas beaucoup de sens si l’on considère qu’elle achète déjà 41% des exportations totales de la République bolivarienne, ce qui signifie qu’une autre explication plus nuancée doit être donnée pour expliquer ce double raisonnement.

La communauté des médias alternatifs est pleine de commentaires sur la façon dont les États-Unis veulent imposer un régime fantoche au Venezuela afin de contrôler le pétrole du pays, mais cela n’a pas beaucoup de sens car ils achètent  déjà 41% des exportations totales de la République bolivarienne, comme en témoigne le résumé de la réunion de l’Agence de l’information énergétique sur le commerce énergétique entre les deux au 7 janvier 2019. Selon le rapport, les États-Unis sont le premier client du Venezuela, tandis que le Venezuela est le troisième plus gros fournisseur d’importations de pétrole brut des États-Unis, de sorte que Washington obtient déjà tout ce dont il a besoin de Caracas en l’état. Compte tenu de cette dynamique ironique entre les deux adversaires géopolitiques et idéologiques, on pourrait s’attendre à ce que les États-Unis obtiennent un jour l’accès aux ressources des plus grandes réserves pétrolières du monde dans la ceinture de l’Orénoque, ce qui contredit une fois de plus le discours simpliste selon lequel Washington ne mène cette guerre hybride que pour le pétrole.

Néanmoins, la vérité est que le contrôle du pétrole vénézuélien est effectivement l’une des motivations de ce conflit, mais pas de la manière dont il est décrit. En plus d’assurer un contrôle géopolitique total sur le bassin des Caraïbes et d’affronter idéologiquement le socialisme, les États-Unis veulent obtenir une influence prédominante sur le Venezuela afin de l’intégrer dans une structure parallèle de type OPEP pour contester l’arrangement conjoint OPEP+ russo-saoudien selon les prévisions de l’auteur fin 2016 concernant la formation du cartel North American-South American Petroleum Exporting Countries (NASAPEC). Cette entité fonctionnerait comme la composante énergétique de la « forteresse américaine » et pourrait exercer une forte pression à long terme sur le marché pétrolier international aux dépens de la Russie et de l’Arabie saoudite. Si l’on ajoute à cela les plans d’investissement conjoints des États-Unis et du Qatar dans le GNL, il est clair que les États-Unis sont en train de faire un jeu de puissance mondial pour le contrôle de l’industrie mondiale de l’énergie, ce qui pourrait avoir des conséquences très négatives pour la Russie.

La grande puissance multipolaire eurasienne compte sur ses exportations d’énergie pour faire avancer ses intérêts financiers et géopolitiques, mais cela pourrait être plus difficile à faire – malgré ses partenariats pétroliers et gaziers avec l’Arabie saoudite et l’Iran respectivement (qui font partie de la stratégie d’« équilibrage » du pays) – au cas où le NASAPEC et son alliance GNL avec le Qatar dans l’hémisphère occidental devienne une forte concurrence dans tous ces domaines. Le risque potentiel est que la Russie perde beaucoup de revenus à long terme si les États-Unis parviennent à maintenir les prix du pétrole et du gaz à un bas niveau, ce qui pourrait se combiner avec les coûts accrus associés à la nouvelle course aux armements provoquée par le retrait de Washington du Traité INF pour exercer une pression immense sur Moscou afin de « compromettre » son principal rival géopolitique dans un stratagème que j’ai décrit dans l’article « Les véritables aspirations américaines concernant la Russie », en avril 2018.

L’héritage ultime du président Poutine repose sur sa capacité à tenir les nombreuses promesses socio-économiques qu’il a faites à ses compatriotes au cours de sa campagne de réélection l’année dernière, même si toutes reposaient sur l’hypothèse que les futurs marchés du pétrole et du GNL resteraient stables et largement sous le contrôle de la Russie, ainsi que sur le fait que les progrès des missiles hypersoniques du pays pourraient empêcher le déclenchement d’une nouvelle et coûteuse course aux armes. Les mesures énergétiques et militaires américaines susmentionnées ont brisé ces présomptions et pourraient mettre en péril les plans soigneusement élaborés par le dirigeant russe pour améliorer les moyens d’existence de tous ses compatriotes (en particulier la majorité de la population qui vit en dehors de ses villes les plus développées que sont Moscou et Saint-Pétersbourg), même si, pour l’instant, le pire scénario est encore loin d’être certain, en attendant le résultat de la crise au Venezuela, ce qui explique pourquoi la Russie souhaite tant « faire office d’intermédiaire » entre son gouvernement et « son opposition ».

Andrew Korybko est un analyste politique américain basé à Moscou qui se spécialise dans les relations entre la stratégie américaine en Afro-Eurasie, la vision mondiale de la nouvelle connectivité de la route de la soie en Chine et la guerre hybride.

samedi, 09 février 2019

La stratégie perdante du Président Trump: Contrôler le Brésil et affronter la Chine

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La stratégie perdante du Président Trump: Contrôler le Brésil et affronter la Chine

par James Petras

Article original de James Petras, publié le 8 janvier 2019 sur le site Unz Review
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr  


Les États-Unis adoptent un régime voué à l’échec et menacent l’économie la plus dynamique du monde. Le président Trump a fait l’éloge du président brésilien nouvellement élu, Jair Bolsonaro, et promet de promouvoir des liens économiques, politiques, sociaux et culturels étroits avec lui. En revanche, le régime Trump s’est engagé à démanteler le modèle de croissance de la Chine, à imposer des sanctions sévères et généralisées et à promouvoir la division et la fragmentation de la Chine élargie.
 

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Le choix des alliés et des ennemis de Washington repose sur une conception étroite et à court terme des avantages et des pertes stratégiques.

Dans cet article, nous discuterons des raisons pour lesquelles les relations américano-brésiliennes s’inscrivent dans la poursuite de la domination mondiale de Washington et pourquoi Washington craint la croissance dynamique et le défi d’une Chine indépendante et compétitive.

Le Brésil à la recherche d’un Patron

Le président du Brésil, Jair Bolsonaro, a annoncé, dès le premier jour, un programme visant à inverser près d’un siècle de croissance économique dirigée par l’État. Il a annoncé la privatisation de l’ensemble du secteur public, y compris les activités stratégiques quelles soient financières ; bancaires ; minières : d’infrastructure ; de transport ; énergétiques ou manufacturières. De plus, cette vente en masse va donner la priorité aux sociétés multinationales étrangères. Les régimes civils et militaires autoritaires précédents protégeaient les entreprises nationalisées dans le cadre d’alliances tripartites comprenant des entreprises privées étrangères, étatiques et nationales.

Contrairement aux précédents régimes civils élus qui s’efforçaient – pas toujours avec succès – d’augmenter les pensions, les salaires et le niveau de vie et de faire reconnaître la législation du travail, le Président Bolsonaro a promis de licencier des milliers d’employés du secteur public, de réduire les pensions et de relever l’âge de la retraite tout en abaissant les traitements et salaires afin de faire baisser les coûts et augmenter les profits pour les détenteurs de capitaux.

Le Président Bolsonaro promet d’inverser la réforme agraire, d’expulser, d’arrêter et d’agresser les familles paysannes afin de renforcer les propriétaires terriens et d’encourager les investisseurs étrangers à les remplacer. La déforestation de l’Amazonie et son transfert aux barons du bétail et aux spéculateurs fonciers entraîneront la saisie de millions d’hectares de terres indigènes.
 

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En matière de politique étrangère, le nouveau régime brésilien s’engage à suivre la politique américaine sur chaque question stratégique : Le Brésil soutient les attaques économiques de Trump contre la Chine, soutient l’accaparement des terres d’Israël au Moyen-Orient (y compris le transfert de sa capitale à Jérusalem), soutient les complots américains de boycott et les politiques visant à renverser les gouvernements de Cuba, du Venezuela et du Nicaragua. Pour la première fois, le Brésil a offert des bases militaires au Pentagone et des forces militaires pour toute invasion ou guerre à venir.

La célébration de la remise gratuite des ressources et des richesses par le président Bolsonaro et de l’abandon de souveraineté est célébrée dans les pages du Financial Times, du Washington Post et du New York Times qui prédisent une période de croissance, d’investissement et de reprise – si le régime a le « courage » d’imposer sa trahison.

Comme cela s’est produit lors de nombreuses expériences récentes de changement de régime néolibéral de droite en Argentine, au Mexique, en Colombie et en Équateur, les journalistes et experts des pages financières ont laissé leur dogme idéologique les aveugler face à d’éventuels pièges et crises.

Les politiques économiques du régime Bolsonaro ignorent le fait qu’elles dépendent des exportations agro-minérales vers la Chine et qu’elles sont en concurrence avec les exportations américaines… Les élites agro-industrielles brésiliennes vont s’indigner du changement de partenaires commerciaux… Elles s’opposeront, vaincront et mineront la campagne anti-Chinoise de Bolsonaro s’il ose persister.
Les investisseurs étrangers prendront le contrôle d’entreprises publiques, mais il est peu probable qu’ils puisse accroitre la production en raison de la forte réduction de l’emploi, des salaires et des traitements, à mesure que le marché de la consommation va chuter.

Les banques peuvent accorder des prêts, mais exigent des taux d’intérêt élevés pour des « risques » élevés, d’autant plus que le gouvernement sera confronté à une opposition sociale accrue de la part des syndicats et des mouvements sociaux, et à une violence accrue par la militarisation du contrôle de la société.

Bolsonaro n’a pas de majorité au Congrès, qui dépend du soutien électoral de millions de fonctionnaires, de salariés, de retraités et de minorités raciales et de genre. L’alliance du Congrès sera difficile sans corruption et sans compromis… Le cabinet de Bolsonaro comprend plusieurs ministres clés qui font l’objet d’une enquête pour fraude et blanchiment d’argent. Sa rhétorique anti-corruption s’évanouira face aux enquêtes judiciaires et aux révélations.
 

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Il est peu probable que le Brésil fournisse des forces militaires significatives pour les aventures militaires régionales ou internationales des États-Unis. Les accords militaires avec les États-Unis n’auront que peu de poids face à la profonde agitation intérieure.

Les politiques néolibérales de Bolsanaro vont creuser les inégalités, en particulier parmi les cinquante millions de personnes qui sont récemment sorties de la pauvreté. La prise de contrôle du Brésil par les États-Unis enrichira Wall Street qui prendra l’argent et s’enfuira, laissant les États-Unis faire face à la colère et au rejet d’un allié dépouillé.

Les États-Unis face à la Chine

Contrairement au Brésil, la Chine n’est pas prête à se soumettre au pillage économique et à renoncer à sa souveraineté. La Chine suit sa propre stratégie à long terme qui se concentre sur le développement des secteurs les plus avancés de l’économie – y compris l’électronique de pointe et les technologies de communication.

Les chercheurs chinois produisent déjà plus de brevets et d’articles scientifiques référencés que les États-Unis. Ils diplôment plus d’ingénieurs, de chercheurs de pointe et de scientifiques innovateurs que les États-Unis, grâce à des niveaux élevés de financement de l’État. La Chine, avec un taux d’investissement de plus de 44 % en 2017, surpasse de loin les États-Unis. La Chine a progressé, passant d’exportations à faible valeur ajoutée à des exportations à forte valeur ajoutée, y compris des voitures électriques à des prix compétitifs. Par exemple, les i-phones chinois font concurrence à Apple en termes de prix et de qualité.

La Chine a ouvert son économie aux multinationales américaines en échange de l’accès à une technologie de pointe, ce que Washington appelle des saisies « forcées ».

La Chine a encouragé la conclusion d’accords multilatéraux sur le commerce et l’investissement y compris avec plus de 60 pays dans le cadre d’accords à grande échelle et à long terme sur les infrastructures en Asie et en Afrique.

Au lieu de suivre l’exemple économique de la Chine, Washington se plaint du commerce déloyal, du vol technologique, des restrictions du marché et des contraintes étatiques sur les investissements privés.

La Chine offre à Washington des possibilités à long terme d’améliorer sa performance économique et sociale – si Washington reconnaît que la concurrence chinoise est une incitation positive. Au lieu d’investir massivement dans la modernisation et la promotion du secteur des exportations, Washington s’est tournée vers des menaces militaires, des sanctions économiques et des droits de douane qui protègent les secteurs industriels américains obsolètes. Au lieu de négocier pour des marchés avec une Chine indépendante, Washington prend le contrôle de régimes vassaux comme celui du Brésil sous le gouvernement du président nouvellement élu Jair Bolsonaro, qui compte lui sur le contrôle économique et les prises de contrôle américains.

Les États-Unis peuvent facilement dominer le Brésil pour des gains à court terme – profits, marchés et ressources, mais le modèle brésilien n’est ni viable ni durable. En revanche, les États-Unis doivent négocier, discuter et accepter des accords concurrentiels réciproques avec la Chine… Le résultat final de la coopération avec la Chine permettrait aux États-Unis d’apprendre et de se développer d’une manière durable.

Conclusion

Pourquoi les États-Unis ont-ils choisi la voie de contrôler un Brésil rétrograde et de négliger le rôle d’une future nation leader ?

Fondamentalement, les États-Unis sont structurellement ancrés dans un système politique fortement militarisé qui est guidé par la quête de la domination mondiale – « l’impérialisme ». Les États-Unis ne veulent pas concurrencer une Chine innovante, ils cherchent à contraindre la Chine à démanteler les institutions, les politiques et les priorités qui font sa grandeur.

Washington exige que la Chine renonce à l’autonomie relative de l’État, augmente la pénétration de ses secteurs stratégiques par les États-Unis et s’appuie sur des banquiers et des universitaires adeptes du marché libre. La politique économique américaine est façonnée par des banquiers, des spéculateurs corrompus et des lobbyistes qui défendent des intérêts régionaux particuliers, y compris des régimes comme Israël. La politique économique de la Chine est façonnée par des intérêts industriels, guidés par les objectifs stratégiques de l’autorité d’un État centralisé, capable et désireux d’arrêter des centaines de hauts fonctionnaires à la volée.

Les États-Unis ne peuvent pas contenir la trajectoire ascendante de la Chine avec un encerclement militaire – parce que la stratégie économique de Pékin neutralise les bases militaires américaines et défait les contraintes douanières par la diversification de nouveaux accords commerciaux majeurs. Par exemple, la Chine négocie avec l’Inde pour augmenter considérablement les importations de produits agricoles, y compris le riz, le sucre, le lait, la farine de soja et le coton. L’Inde a actuellement un déficit commercial important avec la Chine, en particulier les machines et les produits industriels et est désireuse de remplacer les exportateurs américains. La Chine a conclu d’importants accords commerciaux et d’investissement en Asie du Sud-Est, Corée du Sud, Japon, Pakistan, Russie et Australie ainsi que dans les pays africains et d’Amérique latine (Brésil et Argentine) et au Moyen-Orient (Iran, Irak et Israël).

Les États-Unis n’ont que peu d’influence pour « contenir » la Chine, même dans les secteurs de haute technologie, car la Chine est moins dépendante du savoir-faire américain. Washington a conclu des accords avec la Chine, augmentant les exportations de voitures et de divertissements ; la Chine peut facilement accepter d’appliquer des mesures de lutte contre le « vol de propriété intellectuelle », d’autant plus que ce n’est plus un facteur important puisque la plupart des innovations chinoises sont créées au niveau national. De plus, les grandes entreprises et Wall Street exigent que le régime Trump parvienne à un accord d’ouverture des marchés avec la Chine et ignore ses ennemis autarciques.
Compte tenu de la vigueur soutenue de l’économie chinoise (6,5 % du PIB en 2018), de l’importance accrue accordée à l’expansion des services sociaux, du marché de la consommation et de l’assouplissement du crédit, les politiques douanières coercitives de Trump sont condamnées et les menaces militaires ne feront qu’encourager la Chine à étendre et à améliorer ses programmes militaires de défense et spatiaux.

Quels que soient les accords commerciaux temporaires et limités qui découleront des négociations entre les États-Unis et la Chine, le régime Trump poursuivra son programme impérial unipolaire de contrôle de régimes vassaux, comme le Brésil, et de lutte contre la Chine.

L’avenir appartient à une Chine indépendante, innovante et compétitive, et non à des régimes vassalisés, militarisés et soumis comme le Brésil.

James Petras

mardi, 08 janvier 2019

L’Amérique latine en quête d’indépendance

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L’Amérique latine en quête d’indépendance

par Oscar Fortin

Ex: http://www.zejournal.mobi

L’histoire de l’Amérique latine nous apprend que cette dernière a été et continue d’être considérée comme « la cour arrière des États-Unis ». La doctrine Monroe en consacre la légitimité et donne à Washington tous les pouvoirs sur le Continent.

1) Les États-Unis ont reconnu, l’année précédente, l’indépendance des nouvelles républiques latino-américaines ; en conséquence de quoi, l’Amérique du Nord et l’Amérique du Sud ne sont  plus ouvertes à la colonisation européenne.

2) Les États-Unis regardent désormais toute intervention de leur part dans les affaires du continent américain comme une menace pour leur sécurité et pour la paix.

3) En contrepartie, les États-Unis n’interviendront jamais dans les affaires européennes.

La doctrine de Monroe se résume en définitive comme suit : « l’Amérique aux Américains ».

De fait, la reconnaissance de l’indépendance des nouvelles républiques latino-américaines de la part de Washington permettait à ce dernier de se défaire de la présence des pays colonisateurs européens tout en ouvrant toute grande la porte pour qu’il puisse y régner en maître. L’indépendance de ces pays serait respectée dans la mesure où ces derniers harmoniseraient leurs politiques avec ses propres intérêts. De là l’expression bien connue qui qualifie l’Amérique latine comme étant la « cour arrière des États-Unis ».

On ne saurait comprendre ce qui se passe, présentement, en Amérique latine sans faire référence à cette Doctrine Monroe qui ne répond qu’aux intérêts de Washington. L’histoire des conflits du siècle dernier et ceux d’aujourd’hui illustrent de manière claire et sans équivoque le veto unilatéral de Washington sur l’indépendance et la souveraineté des pays du Continent latino-américain.

La révolution du Peuple cubain (1958-1959), sous la direction de Fidel Castro, visant la destitution du dictateur Batista, en était une qui reposait sur l’indépendance et la souveraineté de ce peuple. De toute évidence, Batista était l’homme de main de Washington lui permettant d’agir à sa guise à Cuba. Nous connaissons de plus en plus l’histoire de cette révolution qui fut et est toujours victime de l’interventionnisme de Washington. Le seul « blocus économique » qui dure depuis plus de 59 ans et que condamnent, année après année, les membres de l’Assemblée générale des Nations Unies représente un véritable crime contre l’humanité.

La révolution du Peuple chilien (1973) reproduit les mêmes comportements de Washington à l’endroit de l’indépendance et de la souveraineté de ce Peuple. À la différence de Cuba où régnait un dictateur, Salvador Allende prit le pouvoir en respectant le cadre démocratique prévu à la constitution chilienne.  Ses politiques se sont concentrées sur la récupération des richesses du pays, dont le cuivre occupe une place importante, pour en faire bénéficier le peuple. Il a agi avec les pouvoirs d’un État indépendant et souverain, dans le respect du droit international. C’était déjà trop. Washington avait déjà préparé tout son arsenal politique, économique et militaire, pour en finir avec le gouvernement de Salvador Allende. Nous connaissons l’histoire des bombardements de la Moneda (édifice du parlement chilien), de la trahison du général Augusto Pinochet ainsi que tous les crimes qui en ont suivi.

La révolution du peuple vénézuélien (1998), sous la direction d’Hugo Chavez s’impose par une élection libre et démocratique qu’il remporte avec grande majorité. Donnant suite à ses promesses électorales, il procède dès les premiers instants à la rédaction d’une nouvelle constitution, écrite et voulue par le peuple. Soumise à un référendum, l’année suivante, elle fut acceptée avec une très grande majorité. Il s’agit d’une révolution qui consacre la démocratie participative, donnant ainsi au peuple un droit de regard et d’intervention dans l’exercice des pouvoirs de l’État. Il s’agit également d’une révolution de format socialiste, humaniste, chrétien et anti-impérialiste. Encore là, Washington et les oligarchies locales ne l’entendirent pas de la même manière. Au diable, la démocratie, en avril 2002, le gouvernement est victime d’un Coup d’État et son président, Hugo Chavez, est enlevé de force et détenu en un endroit secret. En un rien de temps, le peuple et l’armée restée fidèle sont descendus dans les rues et ont repris le contrôle de la résidence du Président et arrêter les auteurs de ce coup d’État. Depuis lors, les tentatives d’intervention pour éliminer ce gouvernement n’ont cessé. Le 11 janvier prochain, on annonce une intervention musclée pour empêcher l’assermentation du  président Nicolas Maduro, élu avec grande majorité, en mai dernier, pour le mandat allant de 2019 à 2025.

Je pourrais ajouter à ces révolutions celles de la Bolivie, avec Evo Morales, du Brésil, avec Lula et Dilma Rousseff, de l’Équateur, avec Rafael Correa, du Nicaragua, avec Daniel Ortega, d’Argentine avec Hector y Cristina Kirchner. Le format d’intervention est toujours le même : guerre économique, désinformation sous toutes ses formes , mise à contribution des épiscopats catholiques qui s’apparentent bien souvent aux forces de l’opposition politique.

C’est dans ce contexte que se présente la grande alliance du Vatican et de Washington. Pendant que ce dernier veut récupérer ses pleins pouvoirs sur les gouvernements de l’Amérique latine, le Vatican veut se défaire de tout ce qui raisonne communisme, socialisme, anti-impérialisme, etc. À toute fin pratique, les deux s’entendent sur les mêmes ennemis sans pour autant partager les mêmes objectifs.

En 1982, à la bibliothèque du Vatican, un premier Pacte a été signé entre le pape Jean-Paul II et Ronald Reagan.  Ils en étaient à leur premier contact. Il s’agissait, à cette époque, de la Pologne et des mouvements socialistes en A.L, dont la théologie de libération qui en  faisait partie.

En 2014, un second Pacte est signé, cette fois entre le pape François et Obama. Ce dernier n’arrive toujours pas à se libérer de Maduro au Venezuela, de Lula et Dilma Rousseff au Brésil, de Daniel Ortega au Nicaragua, etc. L’aide du Vatican et des épiscopats nationaux de ces pays s’impose.

Dans certains de ces pays, les épiscopats utilisent à plein régime la « religion » avec tous ses symboles pour discréditer les gouvernements au pouvoir et soulever le peuple contre ces derniers. Ils assument, pratiquement en totalité, les fonctions d’une opposition qui a perdu toute crédibilité. Ils en arrivent eux-mêmes à perdre la leur. Ça sent beaucoup la « religion opium du peuple ».

Liens:

https://www.mondialisation.ca/nouveau-pacte-entre-le-vati...

http://www.elcorreo.eu.org/Nouveau-pacte-entre-le-Vatican...

https://www.courrierinternational.com/article/2005/04/07/...

http://www.les7duquebec.com/7-de-garde-2/lamerique-latine...


- Source : Humanisme Blogspot

vendredi, 09 novembre 2018

Le Brésil de Bolsonaro et les relations internationales

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Le Brésil de Bolsonaro et les relations internationales

par Romain Migus 

Ex: http://www.zejournal.mobi

Ca y est. «Ele foi eleito presidente». Il est élu. Lui, c’est Jair Messias Bolsonaro, le nouveau président du Brésil. Ces derniers jours, impossible d’échapper aux différents commentaires – généralement d’indignation – qui accompagnent le résultat des élections présidentielles dans la 8e puissance mondiale.

Cette effervescence médiatique autour du nouveau président brésilien s’explique par deux phénomènes. D’une part, elle est en partie motivée par la déferlante actuelle de nouveaux acteurs populistes conservateurs sur la scène politique occidentale. Jair Bolsonaro viendrait en effet confirmer une tendance actuelle à la contestation apparente d’un ordre politique qui allait de soi, il y a encore quelques années.

D’autre part, le retentissement de l’élection de cet homme politique, aux déclarations aussi violentes que controversées, est aussi dû au poids que représente ce pays-continent au niveau international. Or qu’en est-il vraiment ? La marche du monde va-t-elle être bouleversée par l’accession au pouvoir de Jair Bolsonaro ?

Que change l’arrivée de Jair Bolsonaro au pouvoir ?

Durant la première décennie du XXIe siècle, l’Amérique Latine s’était dotée d’organismes supranationaux dont le but était de renforcer l’intégration et la coopération entre les pays latino-américains. Une vision indépendante qui permettait de bâtir des solutions communes hors de l’ingérence de Washington. La construction d’un monde multipolaire, et l’édification d’une diplomatie Sud-Sud visant à l’élaboration de politiques conjointes en matière de finances, de développement, d’agriculture, d’énergie et de commerce, ont été l’horizon commun de la plupart des pays latino-américains durant la décennie précédente. Durant cette période, le Brésil de Lula a joué un rôle prépondérant dans la construction de l’Union des nations sud-américaines (Unasur), de la  Communauté d’Etats latino-américains et caribéens (Celac), ou encore du forum bi-régional Amérique du Sud-Afrique (ASA), qui regroupait 55 pays d’Afrique et 12 d’Amérique du Sud.

Ce panorama régional était déjà largement écorné avant l’élection de Jair Bolsonaro. Sous les coups de butoir d’une droite décomplexée, qui a rongé son frein pendant une décennie, l’Unasur traverse une crise sans précédent. Six pays sur les douze qui la composent (dont le Brésil) ont fait connaître leur souhait de suspendre leur participation à cet organisme (1). Quand au Forum ASA, il est au point mort et n’a plus tenu de réunion plénière depuis 2013.

Comment en est-on arrivé là ? Les raisons sont avant tout politiques. L’arrivée au pouvoir de plusieurs gouvernements de droite a changé la donne. Ces gouvernements, dont la ligne politico-économique renoue avec le néolibéralisme, préfèrent établir des traités économiques bilatéraux ou des accords commerciaux régionaux – comme l’Alliance du Pacifique rassemblant le Chili, le Pérou, la Colombie et le Mexique – plutôt que de parier sur la coopération comme moteur du développement régional. Jair Bolsonaro s’insère dans cette dynamique et il y a fort à parier que son élection mettra un coup d’arrêt aux organismes de coopération régionale, ainsi qu’à la dynamique des relations Sud-Sud.

Même s’il existe, pour l’instant, plus d’indices que de propositions programmatiques chez le nouveau président brésilien, on peut d’ores et déjà déceler une certaine cohérence entre son programme économique ultra-libéral et sa vision internationale. Tout comme il rejette toute régulation de l’économie par les secteurs étatiques, il n’acceptera aucune contrainte internationale qui pourrait aller à l’encontre de la réalisation de son projet politique.

Ce qui est choquant n’est pas tant la réaffirmation de la souveraineté brésilienne sur les 3/5e de la forêt amazonienne, que son projet politique et économique aux antipodes des préoccupations écologiques internationales

C’est dans cette optique qu’il faut comprendre sa position par rapport à l’Accord de Paris. Jair Bolsonaro a réaffirmé qu’il n’en sortirait pas à la condition qu’aucune contrainte écologique extérieure n’entrave son projet de développement de l’agro-industrie, de l’élevage intensif et de l’industrie minière dans la région amazonienne.

Ce qui est choquant n’est pas tant la réaffirmation de la souveraineté brésilienne sur les 3/5e de la forêt amazonienne, que son projet politique et économique aux antipodes des préoccupations écologiques internationales (2). Le futur nous dira qui gagnera ce bras de fer. L’Accord de Paris résistera-t-il à la sortie du Brésil après celle des Etats-Unis ? Ou tout sera-t-il fait pour éviter une sortie du géant sud-américain ? La réponse semble déjà faire partie de la question.

Les positions de Jair Bolsonaro nous rappellent surtout qu’aucun traité ou organisme international ne réussit à s’imposer aux choix politiques et économiques d’une nation souveraine, si détestables qu’ils puissent nous paraître.

Il en a été de même par le passé lorsque les gouvernements de gauche d’Amérique latine ont fait capoter l’Accord de libre-échange pour les Amériques (3) ou lorsque le Venezuela décida de se retirer de la Communauté andine des nations, sans que le ciel ne lui tombe sur la tête. En dernier lieu, le dépositaire de la souveraineté reste le peuple et son expression électorale. A moins de remettre en cause le principe de démocratie représentative, mais ceci est un autre sujet.

Relations ambiguës avec la Chine

Quelle peut être la marge de manœuvre du nouveau président brésilien face à la Chine ? Durant sa campagne, Jair Bolsonaro a multiplié les déclarations hostiles et provocantes contre la grande nation asiatique. Sa volonté de s’aligner sur la diplomatie de Washington pourrait laisser penser qu’un virage diplomatique drastique pourrait être opéré.

Les relations de Brasilia avec Beijing devront se faire sous l’angle du pragmatisme économique et non de l’idéologie

Néanmoins, la réalité des liens entre la Chine et le Brésil devrait pousser le nouveau chef d’Etat à une position plus pragmatique, surtout à court et moyen terme, le mandat présidentiel ne durant que quatre ans. En effet, 54 milliards de dollars ont été investis par les Chinois sur une centaine de projets de 2003 à 2018. Le gouvernement non élu de Michel Temer, peu suspect de sympathie pour le communisme ou le monde multipolaire a, sur la seule année 2017, porté les investissements du géant asiatique à 10,8 milliards de dollars. Ni les Etats-Unis, ni l’Europe n’étant en mesure de constituer une alternative crédible à cet investissement massif, les relations de Brasilia avec Beijing devront se faire sous l’angle du pragmatisme économique et non de l’idéologie.

Même si le Brésil pourra restreindre certains investissements chinois, tourner le dos aux Brics (4) ou à la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures, dont le Brésil fait partie, reste peu probable sinon suicidaire pour son économie. De même, il ne semble pas vraisemblable que le Brésil s’isole du projet de Nouvelle route de la soie en Amérique Latine, négocié au sein du Forum Celac-Chine, laissant ainsi des concurrents régionaux profiter des avantages tirés de tels accords.

Qui plus est, si les exportations brésiliennes vers la Chine représentaient à peine 2% avant l’arrivée de Lula au pouvoir, elles totalisent en 2018, 26% du total des exportations, principalement dans le domaine de l’agro-business, l’un des piliers du soutien au nouveau président brésilien. Si le Brésil est en droit de diversifier les pays où il exporte, via l’accord Union européenne-Mercosur, par exemple, le marché chinois apporte un débouché bien plus sûr et stable pour ses produits que ne pourrait l’être l’Europe ou les Etats-Unis, régions du monde où commence à s’agiter l’étendard du protectionnisme économique.

Le Venezuela

L’un des thèmes récurrents de la campagne de Bolsonaro a été le Venezuela. Rien d’étonnant. Depuis quelques années, le pays bolivarien s’invite en guest-star de nombreux processus électoraux à travers le monde. Du Chili à l’Espagne en passant par l’Argentine, la France et même les Etats-Unis, une campagne électorale ne semble pas être aboutie sans qu’une référence au modèle chaviste soit utilisée par les candidats de droite pour stigmatiser leurs adversaires politiques.

Jair Bolsonaro n’a pas fait exception à cette règle, vociférant tout au long de la campagne qu’il mettrait tout en œuvre pour que «le Brésil ne devienne pas un autre Venezuela». Nul doute que le nouveau président brésilien augmentera la pression politique et diplomatique contre son voisin. L’échange téléphonique entre Mike Pompeo et le nouveau président du Brésil au lendemain de son élection va dans ce sens. Le secrétaire d’Etat étasunien ayant évoqué une nécessaire coordination entre les deux pays sur la question du Venezuela.

Le Venezuela deviendra un argument de change dans les relations qu’entretiendra Jair Bolsonaro et son équipe avec l’administration Trump, fervent opposant au gouvernement de Nicolas Maduro

Dans ce contexte, comment interpréter les déclarations de certains proches du nouveau président ? Son fils Eduardo, ainsi que le général Augusto Heleno y Luiz Philippe de Orleans, pressentis pour occuper respectivement le ministère de la Défense et celui des Affaires étrangères ont laissé entendre qu’une intervention militaire contre le pays bolivarien n’était pas à exclure. Si Jair Bolsonaro s’est lui même défendu de toute aventure guerrière, il paraît évident que le Venezuela deviendra un argument de change dans les relations qu’entretiendront Jair Bolsonaro et son équipe avec l’administration Trump, fervent opposant au gouvernement de Nicolas Maduro.

Il faut aussi se rappeler que l’Etat du Roraima, frontalier avec le Venezuela, est alimenté en électricité par le pays bolivarien. Dans un conflit aggravé, le Venezuela disposerait donc de la possibilité de rationner cet approvisionnement et de générer une situation chaotique dans un Etat désormais gouverné par Antonio Denarium, un partisan du président élu (5).

Une intervention du Brésil en terres bolivariennes aurait des répercussions sur tout le continent. Non seulement le Venezuela compte sur des soutiens diplomatiques ou militaires de poids (russes, chinois et cubains) mais la nouvelle doctrine militaire de ce pays, élaborée dès 2005, mise sur une stratégie adaptée aux conflits non conventionnels et à la guerre de quatrième génération.

Agresser le Venezuela reviendrait à créer une poudrière régionale et un bourbier militaire qui s’étendrait sur plusieurs années. Pas sûr que le Brésil sorte vainqueur d’un tel affrontement ni que Bolsonaro y gagne en popularité.

Israël et le Proche Orient

Jair Bolsonaro entretient des liens politiques et religieux très fort avec Israël et s’est même fait baptiser dans les eaux du Jourdain. Il a plusieurs fois rappelé son attachement à la «démocratie israélienne» qu’il considère comme un exemple à suivre. Ce faisant, il se démarque de la politique extérieure du PT qui avait reconnu l’Etat de Palestine et rappelé son ambassadeur en Israël pour protester contre l’opération Bordure Protectrice en 2014.

De la même manière, le gouvernement de Dilma Roussef s’était opposé à la nomination de Dani Dayan comme ambassadeur de Tel Aviv au Brésil. Motif invoqué : alors que le gouvernement brésilien dénonçait l’occupation de la Palestine, Dani Dayan, membre du parti extrémiste Foyer Juif, et ancien président du conseil de Yesha, qui représente les intérêts des colons israéliens, pouvait perturber les relations entre les deux pays. Une campagne de soutien au diplomate israélien avait été orchestré par la députée Geovania da Sé, membre du groupe parlementaire évangéliste à l’assemblée brésilienne, groupe parlementaire qui comptait parmi ses membres un certain Jair Bolsonaro (6).

Le « nationaliste » Bolsonaro au cours d’un discours

Suivant le mouvement initié par Donald Trump, ce dernier a annoncé le transfert de l’ambassade brésilienne à Jérusalem et a promis de fermer l’ambassade de l’Etat Palestinien, ouverte en 2016 en déclarant : «La Palestine est-elle un pays ? La Palestine n’est pas un pays, donc elle ne devrait pas avoir d’ambassade ici».

Le Brésil de Bolsonaro deviendra sans aucun doute l’un des soutiens majeurs de la politique israélienne au Proche-Orient et développera certainement des partenariats rapprochés avec l’Etat d’Israël.

Bolsonaro au-delà des maux

Le tournant géopolitique que représente l’élection de Jair Bolsonaro doit se comprendre dans son contexte régional. La direction géopolitique que prendra la nouvelle équipe dirigeante devrait peu différer de celle déjà en vigueur dans les pays latino-américains dirigés par des gouvernements néo-libéraux. En cela, il renforcera cette tendance, qui s’inscrit désormais comme un virage continental qui balaie les politiques et les avancées réalisées par les gouvernements post-libéraux du début du siècle.

Au-delà des mots et des maux, l’alignement sur les politiques de Washington dans la région, et un certain pragmatisme par rapport à la Chine, caractériseront surement le mandat du nouveau président brésilien, qui, pour mettre en œuvre sa politique autoritaire sur le plan intérieur ne pourra se payer le luxe d’être isolé diplomatiquement.

Notes:

(1) Les pays suivants ont exprimé leur souhait de suspendre leur participation à Unasur: L’Argentine, le Brésil, le Chili, la Colombie, le Pérou, et le Paraguay. Notons que le président équatorien a décidé de porter un sérieux coup d’arrêt à l’organisme d’intégration en décidant de récupérer ses installations situées dans la banlieue de Quito.

(2) La France dispose du 2e espace maritime au monde (Zone économique exclusive). L’écosystème dans ce territoire français est aussi d’une richesse inestimable. Doit-on pour autant renoncer à notre souveraineté sur cette zone en raison des intérêts écologiques internationaux qui en découle? 

(3) La Zone de Libre Échange entre les Amériques était un projet de libéralisation des économies et de dollarisation du continent. Principalement porté par les Etats-Unis, il fut mis en déroute grâce à l’action conjointe des gouvernements progressistes dans la région. Voir Telesur, “América Latina, a 12 años de la derrota del Alca”, 05/11/2017, https://www.telesurtv.net/news/10-anos-del-NO-al-ALCA-201...

(4) Le siège pour les Amériques de la Banque de Développement des Brics a récemment été ouverte à Brasilia par le gouvernement de droite –non élu- de Michel Temer

(5) Une intrusion armée, sous le prétexte d’une guerre humanitaire, pourrait être le prétexte pour prendre le contrôle des centrales hydro-électriques vénézuéliennes, situées juste de l’autre coté de la frontière.

(6) Voir Romain Migus, “La agenda secreta de Israel en América Latina”, Venezuela en Vivo, 30/04/2016,  https://www.romainmigus.info/2017/11/la-agenda-secreta-de...


- Source : RT (Russie)

jeudi, 18 octobre 2018

Elections brésiliennes: le succès attendu de Jair Bolsonaro

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Elections brésiliennes: le succès attendu de Jair Bolsonaro

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu 

La prudence voudrait d'attendre le 2e tour de l'élection présidentielle au Brésil pour en commenter le résultat. Cependant, compte tenu de l'avance massive obtenue par le candidat dit d'extrême droite Jair Bolsonaro sur le candidat du Parti des Travailleurs (Partido dos Trabalhadores—PT) Fernando Haddad, il n'est pas difficile de prévoir que ce sera le premier qui l'emportera.

Ceci ne surprendra personne. Les éphémères succès de Lula da Silva et de Dilma Roussef, représentant le PT, avaient été suivis comme nous l'avions abondamment commenté ici, d'un véritable coup d'Etat qui ne s'avouait pas de la droite et de l'extrême droite brésilienne, lequel avait permis de faire condamner pour corruption Lula et écarter Roussef. Leur avait succédé à la présidence un obscur politicien de droite, Michel Temer, impliqué lui-même dans des affaires de corruption.

Les médias occidentaux n'ont pas suffisamment montré que la chute de Lula et de Roussef avait été provoquée par des manœuvres de la CIA américaine s'appuyant sur les intérêts des entreprises financières et pétrolières brésiliennes très proches des Etats-Unis. Washington voulait obtenir d'une part que le Brésil ne joue plus aucun rôle dans le BRICS piloté par la Russie et la Chine, et d'autre part que les intérêts pétroliers et gaziers américains gardent la main sur les considérables réserves pétrolière du pays et sur l'entreprise publique Petrobras qui les exploite.

Ces mêmes intérêts américains voulaient éviter que les élections brésiliennes ne reconduisent au pouvoir un président tel que Lula et Roussef. Jair Bolsonaro, tout dévoué aux Etats-Unis, fera l'affaire. Un nouveau coup d'Etat tel que celui  du 31 mars 1964, mené par le maréchal puis dictateur Castelo Branco, ne serait donc pas nécessaire.

La défection des électeurs populaires

Ceci dit, on pourra se demander pourquoi les meilleurs scores obtenus par Bolsonaro au premier tour proviennent de régions industrielles autour de Sao Paulo dont les grèves massives avaient entrainé la chute entre 1978 et 1980 de la dictature militaire. C'est dans ces régions que le PT est le mieux représenté et où cependant Bolsonaro a obtenu ses meilleurs résultats au premier tour.

Les élections pour l'assemblée nationale fédérale qui se tenaient le même jour, ont permis de la même façon au parti Social Libéral (PSL) conduit par Bolsonaro d'obtenir 52 sièges alors qu'il n'en avait qu'un seul jusqu'à présent, talonnant le PT et les partis centristes PDSB et MDB.

On a pu observer par ailleurs lors des élections du premier tour un nombre jamais vu jusqu'à présent d'abstentions et de bulletins nuls, provenant là encore principalement des régions ouvrières qui auraient du soutenir le PT.

Il est clair que c'est celui-ci qui est responsable du succès de l'extrême droite. Quand on connaît le niveau de corruption de beaucoup de ses représentants, qui par ailleurs vivent très largement de dollars provenant des Etats-Unis, la chose n'a rien d'étonnant. D'autre part le PT est jugé par les électeurs populaires responsable de la crise économique et l'augmentation du chômage survenus en 2013 et qui ne se sont pas ralenties depuis. Le PT n'avait pas voulu proposer de mesures radicales telles que le développement des investissements économiques publics que Petrobras aurait pu facilement financer, voire la nationalisation de ce dernier.

Ceci n'était pas étonnant pourtant lorsque l'on considère le poids des intérêts économiques et politiques américains dans les enjeux autour du pétrole et surtout autour du contrôle d'un grand pays tel que le Brésil qui joue un rôle essentiel dans l'orientation politique de l'Amérique Latine.

Le PT aujourd'hui appelle à la constitution au second tour d'un véritable front populaire. Mais on ne voit pas pourquoi les classes ouvrières ou les chômeurs brésiliens lui feraient confiance. Il est probable que beaucoup souhaitent un vrai succès de l'extrême droite et de Bolsonaro avec lesquelles les camps paraîtraient mieux tranchés. Mais le calcul est dangereux. Si une sorte de dictature se met en place au Brésil avec le soutien américain, elle restera au pouvoir de longues années .

Belligérance tous azimuts : Trump veut reprendre le contrôle de l’Amérique latine

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Belligérance tous azimuts : Trump veut reprendre le contrôle de l’Amérique latine

 
Auteur : Ken Livingstone
Ex: http://www.zejournal.mobi 
 

Trump intensifie ses efforts pour provoquer des changements de régime dans les pays d’Amérique latine qui refusent de se plier à ses desiderata, tout en gardant un silence hypocrite sur les violations des droits humains commises par des alliés américains comme l’Arabie saoudite.

Ces dernières années, la droite a refait surface en Amérique latine. La première étape de l’élection du prochain président du Brésil a vu le candidat de droite Jair Bolsonaro remporter 46 % des voix. À deux semaines du scrutin final, il mène de 16 %.

Même si les gouvernements progressistes qui placent l’égalité, l’éducation, les soins de santé et la lutte contre la pauvreté au premier plan de leur politique, sont toujours puissants dans la région, la dernière période a été difficile, y compris au Venezuela.

Mais il est également vital, en temps de crise, de se rappeler pour quoi se battent ceux qui, comme nous, participent à des campagnes de solidarité. Le décès d’Hugo Chavez en 2013 nous a tous bouleversés, mais les idéaux et les progrès sociaux pour lesquels il s’est battu ne sont pas morts avec lui. Ceux qui écoutent les médias de droite, ne voient en Chavez qu’un dictateur brutal, et refusent d’admettre qu’il a changé Venezuela en mieux. Chavez ne s’intéressait d’ailleurs pas uniquement à son propre pays : il voulait remodeler le continent tout entier. Il a été une inspiration pour ceux qui, comme lui, voulaient s’attaquer aux énormes inégalités et sortir du système néo-libéral qui nuit à la population.

J’ai eu l’honneur de le rencontrer lorsqu’il est venu à Londres en 2006 et de travailler avec lui par la suite. Ce qui m’a le plus frappé chez lui, c’est que contrairement à tant d’autres présidents et premiers ministres, c’était un homme simple, complètement dépourvu de la vanité ou de l’obsession de célébrité qui défigure tant de nos dirigeants. Il n’était pas issu d’un milieu politique et il avait passé sa carrière militaire à mener la lutte contre les guérillas qui tentaient de renverser le gouvernement réactionnaire du Venezuela. J’ai été très ému quand il m’a dit ce qui l’avait fait changer. C’est au cours d’une escarmouche où l’un de ses hommes, un de ses bons amis, a été abattu. Chavez l’a tenu dans ses bras pendant son agonie, et c’est à ce moment que Chavez a décidé que lui-même et son pays devaient changer.

J’ai pris la parole le week-end dernier lors de la campagne de solidarité avec le Venezuela, organisée pour commémorer le vingtième anniversaire de la première victoire électorale de Chavez. J’ai dit que nous devions faire connaître son vrai bilan.

Malgré les campagnes de diffamation des États-Unis et des médias, la tentative de coup d’État et les efforts incessants de l’opposition pour le chasser par des moyens antidémocratiques, Chavez est resté fidèle à son objectif de sauver le Venezuela. Comme on peut le voir par ses actes politiques :

– Il a mis en place le Programme Mission Miracle qui a sauvé plus de 3,5 millions de personnes de la de cécité en Amérique latine.

– Il a fourni 1,2 million de logements bons marchés aux plus démunis du Venezuela, et ce nombre ne cesse de croître depuis 2010.

– Ses programmes d’éducation ont éradiqué l’analphabétisme au Venezuela, 1,5 million d’adultes ont appris à lire et à écrire.

– Le nombre de Vénézuéliens bénéficiant d’une pension d’État a sextuplé.

– Il a également mis en place un service national de santé qui a permis de sauver la vie de millions de personnes.

Malheureusement, l’économie vénézuélienne est aujourd’hui confrontée à de réels défis, la chute massive des prix du pétrole a sapé l’économie, les exportations de pétrole étant la principale source de revenu du pays. Mais ce qui a causé le plus de dégâts, ce sont les sanctions américaines contre le Venezuela, qui ont commencé sous l’administration Obama, et qui ont été considérablement aggravées par Trump. Il s’agit notamment de l’interdiction pour les États-Unis d’acheter toute dette ou créance du gouvernement vénézuélien et du géant pétrolier public PDVSA.

Il n’est pas surprenant que les sanctions économiques aient accru les pénuries de nourriture, de médicaments et d’autres biens essentiels tout en limitant la capacité du gouvernement à résoudre les problèmes économiques du pays. Ce sont les Vénézuéliens à faible revenu qui souffrent le plus. Les sanctions ont également accru la polarisation politique, rendant le dialogue indispensable plus difficile au moment où des voix internationales viennent soutenir les efforts du pays pour sortir de la crise.

Pendant sa campagne présidentielle, Trump a clairement indiqué qu’il voulait provoquer un changement de régime au Venezuela et on ne peut pas l’accuser de ne pas tenir sa promesse. Les sanctions contre le Venezuela, en sont la preuve d’autant qu’elles s’accompagnent de menaces d’une intervention armée.

On a appris le mois dernier, grâce au New York Times, que des officiers vénézuéliens dissidents avaient tenu une réunion secrète avec des responsables de l’administration Trump pour discuter du renversement de l’actuel président Nicolas Maduro. L’article expliquait que l’administration Trump avait refusé de les soutenir, mais les sanctions continuent. La Maison-Blanche a refusé de répondre aux questions sur ces entretiens mais a admis « dialoguer avec tous les Vénézuéliens qui manifestent un désir de démocratie afin d’apporter un changement positif à un pays qui a tant souffert ».

Il y a déjà eu deux tentatives ratées pour renverser le gouvernement de Maduro, dont une en août pendant un rassemblement à Caracas, où deux drones ont explosé sans toucher leur cible.

Ce n’est pas la première fois que Trump menace publiquement d’intervenir militairement. En août 2017, il a dit« nous avons le choix entre plusieurs options pour le Venezuela, y compris une option militaire si nécessaire. »

Cela fait des décennies que les Etats-Unis s’efforcent renverser des gouvernements progressistes ou parfois même des gouvernements qui affirment simplement leur souveraineté nationale, en utilisant toutes sortes de méthodes qui vont des coups d’État par des moyens détournés et discrets aux coups militaires, des sanctions aux blocus et de l’isolement international aux interventions militaires.

Les manifestations de belligérance tous azimuts de Trump, y compris sa volonté de construire un mur le long de la frontière avec le Mexique, sont accompagnées du versement de millions de dollars à des organisations qui œuvrent contre des gouvernements qui refusent d’obéir aux Etats-Unis, pour réaffirmer le contrôle américain dans la région.

Il n’y a pas que le Venezuela qui subit des sanctions, la République du Nicaragua et Cuba en subissent depuis près de soixante ans. Ce qui n’est jamais dit dans les médias, c’est que ces sanctions sont illégales en vertu du droit international. Mais l’Amérique a un droit de veto aux Nations-Unies et domine les principales institutions financières internationales comme le Fonds monétaire international et la Banque mondiale.

Des investissements dans son économie et une diversification qui lui éviterait de dépendre totalement du pétrole permettraient au Venezuela de résister à la politique de Trump. Espérons que le processus de dialogue qui se déroule au Venezuela et le succès des récentes élections régionales permettront de revenir à la normale et de relever les défis auxquels le pays est confronté.

Mais Trump n’a pas que le Venezuela en ligne de mire. Après la réélection des Sandinistes (FSLN) en 2016, la dernière attaque des États-Unis contre le Nicaragua est le Nicaraguan Investment Conditionality Act qui vise à bloquer les prêts de la Banque mondiale, de la Banque internationale de développement et d’autres institutions au Nicaragua. Le Nicaragua reçoit chaque année des millions de dollars de prêts pour investir dans les infrastructures et les programmes éducatifs et sociaux. Cette loi a été largement condamnée, notamment par les représentants des entreprises, le parlement et les syndicats.

Trump reprend l’attitude hostile de George W Bush vis à vis Cuba. En juin de l’année dernière, Trump a promis de revenir sur les modestes progrès réalisés sous Obama et de renforcer le blocus étasunien de l’île, malgré l’opposition de la plupart des Cubano-américains. Trump a aussi expulsé 60% des diplomates cubains pour satisfaire les partisans de la ligne dure.

Il faut savoir qu’il y a une alternative à l’agenda de Trump. L’opposition à Trump se renforce aux Etats-Unis, en Amérique latine et dans le monde entier, y compris ici en Grande-Bretagne, où le dirigeant travailliste Jeremy Corbyn a fait preuve d’une réelle intégrité en étant la première personnalité politique nationale à demander à Theresa May de renoncer à recevoir Trump. Corbyn a dit : « Soyez sûrs que je m’opposerai et que le parti travailliste s’opposera à tous ceux qui attisent les peurs chez nous et à l’étranger, et le parti travailliste se tiendra sans équivoque aux côtés de ceux qui manifestent contre Trump et il le fera jusqu’à notre victoire ».

L'auteur, Ken Livingstone, est un politicien anglais, il a été maire de Londres de 2000 à 2008. Il a également été député et membre du Parti travailliste.

Traduction: Dominique Museletet

Photo d'illustration: © Reuters / Marco Bello


- Source : RT (Russie)

lundi, 08 octobre 2018

LAWFARE, le nouvel essai néolibéral en Amérique du Sud

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LAWFARE, le nouvel essai néolibéral en Amérique du Sud

par Telma Luzzani

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Les leaders progressistes latinoaméricains de la dernière décennie subissent aujourd’hui les arguties d’une Justice corporative et au service des intérêts de la droite conservatrice.

Au XXIe siècle, quand le néolibéralisme mondialisé semblait imbattable, au sein des pays d’Amérique du sud un groupe de présidents a démontré qu’avec des politiques adaptées, un monde de bien-être pour tous était possible.

Ils sont arrivés au pouvoir en respectant toutes les règles du jeu démocratique que les puissances d’Occident disent défendre. Les présidentes et les présidents ont été choisis et réélus par des votes massifs, au minimum le double du chiffre qu’affichent les leaders de la Maison Blanche ou les Présidents ou Premiers ministres européens. Ils ont obtenu des résultats extraordinaires : ils ont sorti des millions de Sud-Américains de la pauvreté ; désendetté leurs pays ; ils ont obtenu la reconnaissance de l’Unesco, qui a déclaré la région « sans analphabétisme », et des Nations Unies qui l’a félicité pour être « une zone unique dans le monde sans guerres », et ont atteint, au niveau national des réussites scientifiques et économiques sans précédents, et tout cela sans les crises et les tremblements de terre institutionnels typiques de l’Amérique du Sud. La période des gouvernements progressistes a été la période la plus longue de stabilité de nos républiques depuis leur naissance au XIXe siècle.

Evidemment pour mettre en œuvre ces politiques de réussite, ils ont eu à défier l’extraordinaire appareil culturel qui légitimait l’orthodoxie du marché comme l’unique modèle économique possible et l’alignement avec les États-Unis, la désunion de nos pays et l’abandon de la souveraineté dans notre politique extérieure.

Ce fut le deuxième grand laboratoire de l’Amérique du Sud des dernières décennies. Podemos en Espagne ; le Parti travailliste de Jeremy Corbyn au Royaume-Uni ; Syriza en Grèce, et la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon ont suivi avec intérêt le processus et l’ont intégré dans leurs politiques. Le premier grand laboratoire fut en 1973 le Chili d’Augusto Pinochet, quand Milton Friedman et ses « Chicago boys » ont essayé, à feu et à sang, le néolibéralisme. Ensuite ce modèle a été mis en application mondialement, d’abord par Margaret Thatcher à la fin des années 70, et par Ronald Reagan dans les années 80.

EXPÉRIENCE

Dans le cas des propositions progressistes du début du XXIe siècle, l’expérience n’est pas encore finie. Le défi de ces présidents aux prédateurs du conglomérat mondial de la finance –et de l’industrie de l’armement et le fait qu’ils ont démontré, dans la pratique, la viabilité des projets d’équité et de bien-être font payer au modèle aujourd’hui un prix très élevé. Les représailles de l’establishment sont féroces.

Le 11 septembre dernier, devant la décision judiciaire de l’empêcher de se présenter comme candidat à la présidence, l’ex-président Luiz Inácio Lula da Silva a envoyé une lettre sentie au peuple du Brésil dans laquelle il leur demande de voter pour son remplaçant. « À l’avenir, Fernando Haddad sera Lula pour des millions de Brésiliens. Jusqu’à la victoire, une accolade du compagnon de toujours ». Bien qu’il n’y ait pas eu de preuves dignes de foi d’un délit, Lula a été condamné à douze ans de prison. Les juges ont fait la sourde oreille même aux recommandation de l’ONU qui demandait qu’il lui soit permis de participer aux élections du 7 octobre parce que deux instances doivent encore se prononcer dans son procès pour savoir s’il est innocent ou non. Plus encore 40 % des Brésiliens veulent le choisir comme président.

Mais, le désir populaire vaut il quelque chose ? Est-ce un hasard que tous les présidents progressistes soient poursuivis par la Justice et que les présidents d’héritage néolibéral, ayant des délits de corruption prouvés -Michel Temer (Brésil), Pierre Pablo Kuczynski (Pérou), Enrique Peña Nieto (Mexique) ou Mauricio Macri (Argentine), pour citer quelques exemples – sont libres et dans certains cas continuent de gouverner ? L’ex-présidente argentine Cristina Kirchner et l’équatorien Rafael Correa sont poursuivis par la Justice.

Le président bolivien Evo Morales a été accusé d’avoir un fils et de ne pas le reconnaître, ce qui a diminué ses possibilités de triompher dans un référendum qui proposait sa réélection. Peu de mois après, on a su que ce soit disant fils non reconnu n’existait pas, mais il était déjà trop tard. La même chose est survenue avec Dilma Rousseff, accusée d’une supposée irrégularité administrative, qui a débouché sur un procès politique en 2016. Peu de temps après, le ministère public brésilien a établi qu’ « il n’y a pas eu de délit » et a ordonné de classer l’enquête. Il était aussi trop tard, le Congrès du Brésil avait déjà voté sa destitution.

Pour l’anthropologue John Comaroff, de l’Université de Harvard, Lula est un clair exemple de lawfare [Guerre Juridique] c’est-à-dire quelqu’un qui est victime de l’abus de la loi à des fins politiques. Il s’agit d’un nouveau terrain d’essai en Amérique du Sud qui pourrait être utilisé ensuite dans d’autres parties du monde. « La violence de la loi a remplacé la violence des armes. Maintenant avec ces processus judiciaires la dignité des personnes est attaquée, elles sont gommées, on veut les faire disparaître », a-t-il affirmé.

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ILS NE REVIENNENT PLUS

Comment opère le lawfare ? Les médias (y compris les réseaux sociaux) et le Pouvoir judiciaire (en alternance dans certains pays avec le Législatif) en sont sa colonne vertébrale. D’abord un délit supposé « filtre » dans la presse et tous les jours et à toute heure, sont publiés soupçons ou fausses nouvelles qui impliquent « l’ennemi politique ». Ce bombardement médiatique crée une sensation de présomption de faute. Finalement, ces fausses nouvelles sont prises comme base de départ pour réaliser des enquêtes policières et des poursuites en justice. Pendant ce temps, dans l’opinion publique se forge l’idée que le « suspect » est coupable et que la Justice agit avec équité.

Le cas de Lula – la manière dont il a été emmené en prison, les châtiments auxquels il est soumis, (comme l’interdiction de parler) et les conditions d’isolement beaucoup plus dégradantes que celles de tout vulgaire assassin ou un homme condamné pour génocide sous la dictature –a réveillé une certaine conscience dans une grande partie du peuple brésilien qui le veut comme président en 2019, bien que, pour le moment, cela ne soit pas possible.

Cette étape du laboratoire sudaméricain de haute agressivité contre les leaders populaires a deux objectifs : d’un côté, la restauration et l’introduction totale et définitive du modèle néolibéral sauvage, et, de l’autre, la diabolisation et la disqualification des dirigeants et de leurs politiques sociales pour que jamais ils ne reviennent.

Le politologue Ernesto Calvo, de l’Université de Maryland, a décrit dans l’article « Gaslighting et les FF.AA. » un autre aspect des nouveaux essais de laboratoire qui sont réalisés en Amérique du Sud et à propos desquels nous devons être très vigilants. Il s’agit du piétinement du système institutionnel et la négation de l’État de droit. Calvo analyse les « transgressions » des règles de la démocratie du président US Donald Trump depuis qu’il a pris le pouvoir.

Mais il alerte aussi sur les changements que Mauricio Macri cherche à travers la loi qui différencie Défense et Sécurité pour les Forces armées argentines. « Pour ceux qui mettent cette nouvelle politique en application, tout cela qui n’a pas été explicitement articulé dans la loi peut être transgressé. Il n’y a pas de limites qui ne peuvent être contournées si le pouvoir veut obtenir un résultat », assure Calvo. Ainsi on peut déconstruire les principes de tolérance politique et porter atteinte aux piliers de la démocratie, comme la liberté d’expression, l’indépendance des pouvoirs, l’aspect sacro-saint du vote et du statut constitutionnel du droit de citoyenneté.

L'auteur, Telma Luzzani, est journaliste. Durant 20 ans elle a travaillé à Clarin où elle a couvert des faits historiques comme la chute de l’Union Soviétique, le passage de Hong Kong à la Chine et la guerre entre le Liban et Israël et, a été chef d’édition de la section internationale. Chroniqueur pour Radio Nationale elle co-conduit le programme Vision 7 International à la Télévision Publique Argentine. Elle est aussi auteur de plusieurs livres, dont : « Territorios vigilados : cómo opera la red de bases norteamericanas en Sudamérica » [Territoires surveillés : comment opère le réseau de bases usaméricaines en Amérique du Sud]. Elle vit à Buenos Aires.

Traduit par Estelle et Carlos Debiaside pour El Correo de la Diaspora